Rȇver au temps des guerres de Religion


Kenz, D. E.: Rȇver au temps des guerres de Religion. In: Ostium, roč. 12, 2016, č. 3.


Dreaming in the Times of Wars of Religion
The dream is a delicate subject of history. Between the pitfall of rhetorical pattern or, conversely, the psychological over-interpretation, this study aims at examining a few dreams as related by both captains during the Wars of Religion, in the late sixteenth century. Blaise de Montluc, lieutenant general in Guyenne, recounts the nightmares about the king’s death. This terror reflects the fragility of his political situation. The Protestant propaganda exploits this prophetic dream to denounce the iniquity of Valois. Agrippa d’Aubigné shows, meanwhile, the ambiguity of a humanist facing the dream. On the one hand, he makes fun of the credulity of those who see omens, on the other, he draws inspiration from it to write about the biblical prophets. The dream thus reflects the religious turmoils in the inner selves and in the partisan fight. The vision which Ravaillac, the regicide had about a bloody religious wafer refers to dangerous imagination. A negative view of what shall be called dream emerges.
Keywords: Early modern history, Wars of Religion, prediction, death, nightmare

En 1980, dans les Dialogues de l’historien George Duby et du philosophe Guy Lardreau, le premier écrit : « La trace d’un rêve n’est pas moins réelle que celle d’un sillon d’une charrue dans la terre »[1] ! Cependant, peu de travaux ont été réalisés depuis, à partir d’un tel matériel. Certes, les études sur l’imaginaire ont fait flores dans l’histoire des mentalités, mais le rêve demeure plus accessoire qu’objet d’étude. Celui-ci s’avère, en effet, complexe à utiliser. Que peut faire l’historien entre l’ancienne conception surnaturelle du songe qui l’apparente aussi à un motif rhétorique et celle de la psychanalyse qui oppose le contenu manifeste au contenu latent, difficilement accessible, eu égard à la documentation historique[2] ? L’historien doit-il renoncer à un tel objet parce que finalement trop stéréotypé ou bien trop secret ?

L’individu d’hier avait pourtant plus d’occasions de se souvenir de ses rêves qu’aujourd’hui. Selon l’historien Roger Ekirch, auteur d’une étude sur le sommeil jusqu’à la fin du XVIIe siècle, nos ancêtres dormaient en deux séquences de quatre heures, séparées par une période de léthargie également de trois à quatre heures[3]. Ceci correspondrait à un biorythme plus naturel, mais peut aussi résulter du sentiment d’insécurité que suscite la nuit dans les temps anciens[4]. En moyenne, le veilleur pouvait donc se rappeler, méditer ou être terrifié au sujet d’un rêve à deux reprises, alors qu’aujourd’hui, en théorie, à l’heure du sommeil à séquence unique, c’est au matin seulement que le veilleur se souvient éventuellement du rêve ! La position assise du dormeur d’Ancien Régime influe-t-elle également sur le rêve ?

En 1973, dans un article célèbre, le spécialiste anglais de la Renaissance Peter Burke appelait à faire une histoire sociale des rêves car écrit-il, « si les rêves disent […] quelque chose au sujet de l’individu qui rêve, l’historien doit leur prêter attention »[5]. Récemment, Claire Gantet a examiné le songe, à l’aune des troubles de religion dans le Saint-Empire. Elle insiste sur les débats épistémologiques que provoqua la division confessionnelle sur le statut du rêve[6].

Dans cette courte étude, nous nous proposons d’évaluer quelques songes de deux capitaines, Blaise de Monluc et Agrippa d’Aubigné, l’un catholique et l’autre réformé, pris dans la tourmente des guerres civiles de religion en France. Avec Reinhart Koselleck, nous considérons que le rêve est un « témoin de forme d’expérience », au même titre qu’un poème par exemple[7]. Il révèle l’emprise sociale sur l’individu, rapportée de manière singulière.

Nous restituerons à cet effet le statut du rêve à la Renaissance afin d’éviter une interprétation anhistorique de celui-ci. La psychologie sous toutes ses formes envisage généralement le rêve comme un accès vers le passé[8]. En revanche, le songe de la Renaissance est censé faire signe vers l’avenir, même si les médecins ne dédaignaient pas l’analyse de l’histoire du patient[9]. Puis, nous tacherons d’interpréter deux cauchemars que Blaise de Monluc relate dans ses Mémoires. L’un et l’autre concernent le rapport anxiogène qu’entretient Monluc à la figure royale. Cette approche fait écho à l’étude fondatrice de Charlotte Beradt sur les rêves sous le régime nazi. Elle y observait, certes un peu naïvement, comment la terreur hitlérienne assujettissait les âmes[10]. Nous nous limiterons, pour notre part, à interroger le fond confessionnel et politique qui permet de saisir quelques clés de ces songes et d’apprécier l’effet de réécriture de ceux-ci dans le cadre de la propagande politico-religieuse de la période. Enfin, le rapport complexe qu’entretient Agrippa d’Aubigné au songe permettra d’affiner la manière dont un sujet peut instrumentaliser le rêve, signe ambiguë aujourd’hui comme hier.

Le rêve à la Renaissance : une rupture ?
Jusqu’au XVIIe siècle, la conception du rêve est largement tributaire des Anciens[11]. Considéré comme le résultat de l’imagination, l’une des trois facultés de l’âme à côté de la volonté et de la mémoire, le rêve se manifeste durant le sommeil. L’âme, alors retirée du monde extérieur puisque les sens sont endormis, peut avoir librement contact avec le surnaturel. Le songe fonctionne donc comme un médiateur entre le divin et la conscience. Il est une visio – vision. Cependant, il peut aussi n’être qu’une manifestation physiologique des humeurs, notamment de celle la plus perturbatrice de l’esprit, l’humeur mélancolique. On parle alors de somnium. Le rêve a donc une double nature : il est un message divin ou au contraire un trivial symptôme organique, notamment de la digestion[12].

Un héritage médiéval
À partir du XIIe siècle, l’intérêt pour le rêve connaît un regain en raison d’un recul temporaire de la terreur du diable et d’une naturalisation partielle du rêve. Si les clefs des songes antiques, sorte de livre à clé assez stéréotypé, sont traduites en langue vulgaire, le médecin établit un diagnostic désormais personnalisé du songeur.

À la veille de la Renaissance, le rêve s’avère déjà un motif esthétique, un moyen d’accéder à des révélations surnaturelles à travers les horoscopes et un outil politique sur le modèle biblique du songe royal, comme l’illustre le traité du bon gouvernement du Songe du Verger (1378), dédié au roi de France Charles V[13]. Dans la page qui ouvre le manuscrit conservé à Londres, l’auteur du traité, peut-être Evrart de Trémaugon, conseiller du roi de France Charles V, est allongé dans la posture traditionnelle du rêveur : couché sur le côté, les yeux fermés et la main soutenant sa tête. Il voit dans son rêve le roi accompagné du pape, puis un clerc et un chevalier choisis par ceux-là pour débattre de la chose publique[14].

Pluralité savante
À la Renaissance, le songe connaît une nouvelle actualité. En raison de son rôle essentiel chez les Anciens, le songe devient une référence obligée des humanistes, férus en outre des pratiques divinatoires. Le Traité d’Ornirocritique d’Artémidore de Daldis (IIe s. av. JC), base de l’oniromancie antique, le Commentaire de Macrobe (Ve s. ap. JC) sur le Songe de Scipion de Cicéron et le traité Des Songes du chrétien Synésios de Cyrène (Ve s. ap. JC), plus tardifs, sont imprimés et commentés.

Néoplatoniciens et Aristotéliciens débattent sur le statut du songe puisque le rêve est le point de contact entre l’âme et le corps. La Théologie platonicienne de l’immortalité de l’âme (1482) de Marsile Ficin sous sa forme vulgarisée influence un grand nombre d’érudits et d’artistes. Durant le sommeil, l’âme en « vacances » se détache de la matière pour s’élever vers un principe supérieur, recevant ainsi l’inspiration poétique. Mais pour les partisans d’Aristote, le sommeil ne sert qu’à conserver l’organisme. Le rêve n’est alors qu’un résidu de sensations que délivre l’imagination sujette aux humeurs, notamment la mélancolie propice au rêve[15]. À ce titre, l’énigmatique gravure Melancholia (1514) d’Albrecht Dürer symbolise toute l’ambiguïté du sommeil du créateur, saisi entre folie désespérée de l’inaccompli et aspiration au Beau[16].

L’enjeu du débat est d’importance car l’image du rêve n’est que simulacre pour la majorité des commentateurs. Il faut donc l’interpréter correctement. Le songe peut s’avérer la porte d’accès à des vérités divines certes, mais à condition qu’il soit bien compris : songe prophétique du saint, songe esthétique de l’artiste, mais aussi songe diabolique qui trompe les sorcières[17].

La tradition augustinienne ne doit enfin pas être négligée. Le docteur de l’Église a largement contribué à la pensée européenne sur le rêve. Il lui accorde la faculté de refléter le « moi profond » et souligne la nécessité de contrôler son interprétation. Il est l’un des premiers à insister sur la banalité de ce qu’il nomme les phantasiae, des rêves suggérés par les frustrations diurnes conduites notamment par l’appétit.

Quant aux autres rêves, les inspirés ou ostensiones, ils manifestent les progrès du sujet ayant atteint une perfection spirituelle. Cependant, le rêve n’est qu’un mode parmi d’autre pour connaître Dieu. Il est même plus délicat que la « vision intellectuelle » par exemple car il emprunte des « visions imaginatives » filtrées par la perception toujours complexe du corps. Aussi, l’Église doit-elle contrôler les interprétations du songe pour éviter les risques de l’hérésie[18].

Dans La Vision de saint Augustin, (1503), Vittore Carpaccio relate la vision du clerc qui, à travers un songe, apprend la mort de saint Jérôme. Cet événement est rapporté dans une lettre que saint Augustin aurait adressée à saint Cyrille. Ce document apocryphe datant de la fin du XIIIe siècle est imprimé à de multiples reprises à la Renaissance. Dans son studiolo à Hippone, l’érudit médite tandis qu’à Jérusalem, Jérôme meurt. Le premier réfléchit au sujet de la nature de la béatitude des saints ravis en Jésus-Christ. Il s’apprête à écrire à Jérôme pour avoir son opinion. Mais à peine les premiers mots écrits, une étrange lumière accompagnée d’un parfum pénètre dans la cellule. Puis une voix portée par la lumière lui dit « qu’il est plus facile de mettre l’océan dans un petit récipient, de serrer la terre dans sa main ou d’arrêter les étoiles que de décrire la béatitude quand on ne l’a pas éprouvée, car celui qui parle la connaît actuellement. » Quelle est cette voix, demande effrayé Augustin ? C’est Jérôme lui-même lui répond la voix !

Le peintre attribue ainsi au songe le rôle de médiation du saint mort au vivant. Ce motif renvoie à une autre toile du Carpaccio exécutée dix années auparavant, intitulée le Songe de sainte Ursule (1495) qui évoquait l’annonce d’un ange faite à sainte Ursule de son futur martyre. Dans La Vision, Carpaccio oppose le studiolo, encombré d’objets qui symbolisent l’érudition, notamment les 94 livres d’Augustin écrits en 426, au surgissement de la lumière à travers la fenêtre. L’évêque ne voit pas face à cette intensité : il est ravi. En contrepoint, un petit chien, à gauche, partage l’expérience. Il paraît plus attentif parce qu’il est l’animal visionnaire par excellence[19]. Ce tableau présente ainsi ce que l’on appelle le songe-message, matrice du rêve dans la Bible. Toutefois, les érudits de la Renaissance n’ont pas profondément renouvelé le questionnement sur le rêve[20]. C’est toujours sa fonction de médiation avec le divin, la fiabilité de l’interprétation et le risque de manipulation démoniaque qui sont interrogés, à l’aune de typologies anciennes faisant autorité[21].

Un enjeu au sein de la Réforme allemande
Claire Gantet a montré comment les dissensions entre les luthériens et les réformés radicaux ont modifié la conception du songe, à la Renaissance. Les anabaptistes et autres spiritualistes considèrent que le rêve est un signe manifeste du retour du Messie. Leurs rivaux luthériens les qualifient de manière méprisante de « schwarmer ». Dans le traité des rêves d’Artémidore de Daldis, l’abeille symbolise le medium de la communication surnaturelle. Or Schwarm signifie essaim d’abeille. Les luthériens auraient donc taxé leurs concurrents radicaux de rêveurs[22]. On peut ajouter de « doux rêveurs », mais parfois violents, auteurs d’une révolution urbaine dans la cité épiscopale de Münster en 1534 qui s’acheva dans le sang.

Dans un texte attribué à Philippe Melanchthon, successeur de Martin Luther à l’université de Wittenberg, et associé à la clé des songes d’Artémidore, le compilateur distingue quatre types de rêves : les divins limités à ceux de la Bible, les mantiques suscités par les astres, les physiologiques et la catégorie des diaboliques créée tout exprès pour discréditer les songes des anabaptistes.

Ce texte en réalité vulgarise un traité de l’âme de Melanchthon datant de 1540 et constamment réédité[23]. Dans ce dernier, l’humaniste présentait une conception anatomiste de l’âme. Suivant Aristote, l’âme est rationnelle. Elle est munie de la perception (« le sens commun »), de l’entendement et de la mémoire[24]. Le Saint-Esprit provoque des affects qui dans le cœur de personnes pieuses se mélangent avec les esprits animaux et permettent la connaissance de Dieu dans le cerveau.

En revanche, la faculté de l’imagination n’est plus qu’un dérèglement qui parasite l’âme et que le diable exploite. Si les enthousiastes croient être inspirés par Dieu, en réalité, ils divaguent, manipulés par Satan.

Aussi, l’Église doit éduquer le fidèle pour le protéger de ses errements. Toutefois, les spiritualistes ne s’en laissent pas compter. Le silésien Caspar Schwenckfeld, le premier à s’enorgueillir d’être schwarmer, valorise les illuminations que reçoit le fidèle. La Bible ne s’adresse qu’à l’homme extérieur[25].

En-deçà des conséquences épistémologiques du débat confessionnel sur le rêve, les hommes de la Renaissance ont-ils rêvé des troubles de religion ?

Les cauchemars de Blaise de Monluc : la mort du roi
Les signes divinatoires fourmillent dans les clés des songes savantes ou populaires, imprimées en masse à la Renaissance[26]. Ceux liés à la mort d’un proche ou de soi-même constituent un thème essentiel. Blaise de Monluc, lieutenant général en Guyenne, dans le Sud-Ouest du royaume, rapporte deux songes prémonitoires, les seuls qu’il décrit précisément dans ses Mémoires. Ceux-ci ont pour point commun la mort de souverains : celle effective d’Henri II le 10 juillet 1559, à la suite d’un accident survenu lors d’un tournoi le 30 juin, puis celle de Charles IX en 1567, mais qui ne se réalisa pas.

Le songe divin : l’accident mortel d’Henri II
À la veille de l’accident fatal du roi Henri II, le capitaine Blaise de Monluc, séjournant alors dans le royaume de Navarre, dans le Sud-Ouest, fait un étrange cauchemar.

À mon premier sommeil, écrit-il, je songeay que je voyois le roy assis sur une chaire, ayant le visage tout couvert de gouttes de sang ; et me sembloit que ci fust tout ainsi que l’on peint Jesus-Christ quand les Juifs lui mirent la couronne et qu’il tenoit ses mains jointes. Je luy regardois, ce me sembloit, sa face, et ne pouvois descouvrir son mal ny voir autre chose que sang au visage. J’oyois comme il me sembloit, les uns dire : Il est mort les autres : Il ne l’est pas encores. Je voyois les medecins et chirurgiens entrer et sortir dedans la chambre.[27]

Monluc assure de la véracité de ce songe. Il se réveille en pleurant et demeure inconsolable. Il s’en étonne car, dit-il, il ne pensait pas qu’un homme « puisse pleurer en songeant ». De plus, dès son lever, il rapporte son rêve à un témoin[28].

Quatre jours plus tard, la nouvelle de l’accident parvient à Nérac, la capitale de Navarre. Monluc s’y précipite. Lors de son voyage, il rapporte à un compagnon de route la prédiction qu’il avait eu en songe. Il craignait désormais que de nombreux malheurs adviennent pour la France. La mort du roi ouvrait une crise car son fils aîné François II n’est âgé que de 15 ans, tandis que les troubles de religion entre catholiques et protestants croissent dans le pays.

Dans Les Guerriers de Dieu, Denis Crouzet interprète le rêve de Monluc comme le signe d’une culture eschatologique. Pour l’historien, Monluc se vit comme un prophète qui pressent la mort du roi et la révolte advenir de ses sujets. Ce soulèvement est un signe annonciateur de la fin du monde. Les larmes de Monluc sont comparables à celles des prophètes bibliques face aux catastrophes. Elles renvoient aussi à celles du Christ lors de sa Passion que rêve Monluc. Le songe de Monluc est, conclut Denis Crouzet, « une subjectivité du vécu de Dieu, une suggestion divine de l’action commencée dans la durée d’un songe qui témoigne, à la Renaissance, de la divinité de l’âme »[29].

Le rêve occupe une place non négligeable dans la Bible, notamment dans l’Ancien Testament où il revient à 43 reprises contre 9 seulement dans le Nouveau Testament. Les avertissements de Dieu adressés au peuple d’Israël, aux païens ou à un souverain sont les plus fréquents[30]. À l’image de Joseph auprès de Pharaon (GN 41, 1-36) ou de Daniel auprès de Nabuchodonosor (Dn 2, 31-35), des personnages bibliques sont capables de prédire l’avenir souvent dramatique pour ceux qui n’entendent pas la parole de Dieu.

Mais plus encore, dans une période de division religieuse, le songe s’avère signe apocalyptique. Ainsi, dans la première édition de 1560 des Histoires prodigieuses, François Belleforest avance que la fréquence des prodiges témoigne de « la présence de Dieu dans l’univers » face à l’hérésie protestante[31].

Or le songe de Monluc peut s’apparenter à ce type de signe surnaturel. D’ailleurs, Claude de Tesserand, le continuateur de Belleforest, rappelle dans le préambule du 8e chapitre du 2e livre de l’ouvrage que les « Dieux quasi courroucez de nos faustes nous ont adverty du mal qui nous estoit prochain, et nous menaçoit par divers moyens, comme par songes, par visions et phantosmes, et par signes mesprisez jusques à l’effect et evenement »[32]. Plus loin, il cite la prédiction du prophète Joël, reprise dans les Actes des Apôtres, (2, 16-21), selon laquelle le Seigneur « épandra » dans les derniers temps son esprit « sur toute chair », les fils et filles prophétiseront et les enfants auront des visions et les plus anciens « songeront des songes »[33].

La terreur de la disgrâce
Toutefois, des éléments plus prosaïques éclairent aussi le cauchemar de Monluc. En 1559, le capitaine est préoccupé par son avenir. La guerre vient de s’achever contre Philippe II d’Espagne. Aussi, les hommes d’arme s’inquiètent-ils de ce qu’ils vont devenir. Conserveront-ils leur compagnie, source des bienfaits royaux ? Henri II vient justement d’accorder une compagnie de gendarmes à Monluc contre des rivaux qui espéraient aussi l’obtenir[34].

Monluc est donc sous pression. Tout dépend du prince. Quelques jours avant l’accident, il avait d’ailleurs prévenu Antoine de Bourbon, roi de Navarre, qu’il craignait ce tournoi festif. Quand un homme est « hors de ses affaires et qu’il ne songe qu’à se donner du bon temps […] C’est lors qu’il lui vient les plus grands malheurs »[35]. Cette prémonition révèle ainsi la dépendance d’un aristocrate vis-à-vis de son souverain.

Plus loin dans ses Mémoires, Monluc rapporte un nouveau rêve macabre en septembre 1567. Il songe, de nouveau, de la mort du roi de France, désormais Charles IX. Mais l’issue dans la réalité n’est pas aussi dramatique. Le roi ne mourra qu’en 1574.

À la veille du deuxième soulèvement du parti protestant, le 20 septembre 1567, la tension est élevée dans la province de Guyenne. Monluc, comme lieutenant général, est le principal officier militaire du pays, responsable de l’ordre public. Des affidés de Montluc l’avertissent que des huguenots de guerre sillonnent la province, semblant préparer une nouvelle rébellion. Monluc s’en inquiète auprès du Conseil du roi. Il demande à ce que la minorité catholique à Montauban, place protestante, soit protégée. Il demande aussi à Catherine de Médicis, la reine mère, de réduire les déplacements du roi, notamment à la chasse et aux assemblées afin de prévenir un guet-apens éventuel.

Les appréhensions de Monluc ne s’appuient-elles pas sur la tentative d’enlèvement à l’encontre de François II en mars 1560 à Amboise ou bien les menaces sur Charles IX en juin 1562 au château de Fontainebleau[36] ? Mais Catherine de Médicis n’écoute pas ces avertissements. Au Conseil, certains dénoncent Montluc comme un « corneguerre ». Celui-ci ne chercherait qu’à faire échouer la coexistence religieuse, péniblement établie depuis la fin de la première guerre de religion en 1563[37].

Montluc s’installe au château d’Ogier de Pardaillan, à Paujas, près de Lectoure. Il pratique ici les bains à Barbottan pour soigner une douleur à la cuisse, contractée à la suite de la prise du bourg de Quiers. Lors de sa première nuit, un samedi, dans son premier sommeil, il fait un songe aussi terrible qu’une fièvre continue de quatre jours. Cette expérience est telle qu’il veut absolument la décrire dans ses Mémoires. Des témoins toujours vivants, ajoute-t-il, peuvent faire foi de ce qu’il raconte[38].

Dans ce terrible cauchemar, Monluc rêve que le royaume est partout en rébellion. Un prince étranger s’en est emparé et a assassiné le roi et sa famille. Monluc, pour sa part, tente de fuir mais en vain. Il est finalement capturé.

Les gardes le présentent devant le nouveau monarque qui se promenait alors dans une église « sans image, ni autel. » « Et m’amenant prisonnier le long des rues, précise-t-il, tout le monde couroit après moy ; l’un disoit : Tuez-le, le meschant ; l’autre me presentoit espée nue à la gorge, l’autre la pistolle à l’estomach et ceux qui me menoient crioient : Ne le tuez pas, car le roy le veut faire pendre devant luy. »

Ensuite, Monluc rapporte une violente conversation en italien entre l’usurpateur et lui-même. L’ancien capitaine des guerres d’Italie connaît cette langue. Le prince l’interpelle ainsi :

« Veni quà furfante ! tu m’hai fatta la guerra e a quei i quali sono miei servitori ; io ti faro appicar adesso adesso. [Viens ici, misérable ! tu m’as fait la guerre, et à ceux qui sont mes serviteurs ; je vais te faire pendre sur-le-champ.] »

Monluc parvient à l’adoucir en lui promettant fidélité. Mais il regrette aussitôt cette résolution. Et si Charles IX n’était pas mort, redoute-t-il ?

Monluc se ravise. Il sort de l’église et se met à courir sans éprouver plus aucune douleur à la cuisse. Soudain des gens en veulent de nouveau à sa vie. Monluc parvient à gagner un escalier qui grimpe jusqu’en haut de l’enceinte de la ville. Mais ses poursuivants ne le lâchent pas. Monluc acculé au sommet, coincé au bord d’un précipice, leur jette alors trois ou quatre pierres sans résultat. Plutôt que d’être assassiné cruellement, il se jette alors au-dessus de la muraille. C’est là qu’il se réveille tout en sueur. Comme s’il sortait d’une rivière, « ma chemise, les draps, la couverture du lict [étaient] toutes trempés, écrit-il ; il me sembloit que j’avois ma teste plus grande qu’un tambour »[39].

Monluc rapporte aussitôt son cauchemar à son hôtesse venue aux nouvelles. Il lui confie son premier songe qui avait prédit la mort d’Henri II. Les médecins venus à la rescousse diagnostiquent les effets d’une imagination déréglée en raison de son obsession pour les affaires du royaume. Le patient ajoute que celles-ci l’ont, en effet, toujours tourmentées[40].

« J’ay eu ce malheur là toute ma vie, que dormant et veillant je n’ay jamais esté en repos ; j’estois asseuré qu’ayant quelque chose à faire et en ma teste, je ne faillois jamais d’y estre toute la nuict : c’est une grande peine, conclut-il. »[41]

Quand les huguenots tentent d’enlever Charles IX quelques jours plus tard, le « malheureux songe » se voit partiellement confirmé[42]. Le Valois échappe cependant à la conjuration, tandis que les hostilités sont rouvertes entre la Couronne et le parti protestant.

Ce cauchemar extrêmement riche d’un point de vue psychanalytique indique, de manière prosaïque, l’instabilité des fidélités nobiliaires en temps de crise. Dans son rêve, face à un changement de règne, Monluc n’hésite pas dans un premier temps à se soumettre. Qui plus est, il prête serment à un prince hérétique, peut-être Louis de Bourbon-Condé, le chef du parti huguenot. Le lieu où il rencontre le nouveau souverain n’est-il pas caractérisé par une église sans image et sans autel[43] ? Mais ce prince parle italien ! Évocation du passé des guerres d’Italie auxquelles Monluc participa peut-être ? Notons que l’italien est aussi la langue des machiavéliques que l’on oppose traditionnellement à l’honnête vertu des Français. Or Catherine de Médicis, surnommée « l’Italienne » ou « la Florentine », est regardée par les tenants de l’exclusivisme confessionnel comme une alliée dissimulée des hérétiques. N’est-elle pas à l’initiative de la paix de religion signée à Amboise en mars 1563 ?

Le contexte de septembre 1567 est particulièrement anxiogène pour Monluc. La paix lui semble factice et peu favorable pour sa carrière. Aussi, ce qui se joue au Conseil est une question de vie ou de mort pour l’officier du roi, éloigné dans sa remuante province de Guyenne. Il doit faire montre de sa fidélité à une ligne politique irénique tout en défendant son orientation intransigeante. Il ne croit pas à la coexistence religieuse, se scandalise des premiers édits de tolérance et impose dans son ressort une surveillance militarisée de la minorité réformée[44].

Par ailleurs, il faut tenir compte de l’effet rétrospectif des Mémoires. À l’origine, Monluc commence à les écrire en 1571 pour se défendre contre l’accusation de détournement de biens huguenots et de pensions royales durant les troubles[45]. Or ces songes révèlent bien son attachement aux Valois. Celui de juin 1559 annonce, de manière pathétique, l’accident fatal d’Henri II, tandis que dans le second, Monluc préfère finalement la mort plutôt que de se soumettre au roi vainqueur de Charles IX.

L’interprétation polémique
Dans les sources protestantes, le rêve prémonitoire de la mort du roi s’avère un instrument de propagande. Dans l’Histoire ecclésiastique, ouvrage paru en 1580 retraçant l’histoire de l’Église réformée, plusieurs anecdotes renvoient à des songes divinatoires au sujet de la mort d’Henri II. Ceux-ci sont négatifs à l’endroit d’un prince que la nouvelle Église considère comme l’un des plus répressifs.

Catherine de Médicis, soit parce qu’elle avait eu un présage, soit qu’elle avait fait un songe la veille du tournoi, pria Henri II de se reposer le jour de la joute. Mais comme César le jour de son assassinat au Sénat ou Ponce Pilate, le jour où il condamna le Christ, Henri II n’écouta pas son épouse. Ainsi l’accident du roi serait en vérité le châtiment de Dieu contre un tyran – Jules César, ou un mécréant – Ponce Pilate. Un autre rêve vient confirmer cette interprétation. Un enfant assoupi dans une loge pendant le tournoi, se réveilla en sursaut et se serait écrié à deux ou trois reprises que le roi était mort[46]. Or dans les évangiles, l’enfant s’avère le médiateur privilégié de l’action divine.

L’Histoire des martyrs du réformé Jean Crespin, publiée à partir de 1554 et augmentée jusqu’en 1619, relate l’affaire du « pauvre tailleur du roi » qui offre un nouvel éclairage à la prémonition[47]. En 1549, lors de sa première Entrée solennelle à Paris, Henri II se mit en colère contre un prisonnier pour hérésie, tailleur de son état. Ce dernier refusait de débattre avec Diane de Poitiers, la maîtresse du roi. « Madame, [menaça le protestant], contentés vous d’avoir infecté la France, et ne meslés votre ordure parmy chose si sacrée qu’est la verité de Dieu. »[48] Sur ce, le roi irrité, voulut assister de ses propres yeux à l’exécution de l’hérétique le 4 juillet 1549. Mais il ne supporta pas le spectacle. La nuit suivante, il fit d’horribles cauchemars.

Il luy sembloit la nuict après qu’il voioit ce personnage et mesmes de jour il luy venoit aprehension qu’il le suivoit, de sorte qu’il feit serment qu’il n’en verroit jamais brusler, tant ce plaisir luy avoit esté cher vendu.[49]

Ce traumatisme s’avère prémonition. En effet, l’exécution du tailleur eut lieu rue Saint-Antoine, là où se déroulera le tournoi fatal dix années plus tard !

Le 10 juin 1559, lors d’une séance solennelle du Parlement de Paris, Henri II jure une nouvelle fois qu’il veut voir l’exécution de magistrats qui viennent d’oser contester sa politique contre l’hérésie. Parmi ceux-là, Anne du Bourg sera effectivement brûlé le 23 décembre 1559.

Lors du tournoi, c’est une lance qui blesse mortellement le roi en se fichant dans son œil droit. Le monarque agonise dans la maison des Tournelles, préparée à l’origine pour son triomphe[50]. Dans la chambre, une tapisserie pour parer le lit mortuaire figure l’histoire de la conversion de saint Paul. Un bandeau indique « Saul, Saul, cur me persequeris ? c’est-à-dire : Saul, Saul, pourquoy me persecutes-tu ? »[51] Anne de Montmorency, connétable du royaume, fit remplacer l’œuvre par une autre car l’interprétation pouvait être désobligeante pour le roi.

Au XVIe siècle, le thème iconographique de La conversion de Paul montre le Christ dans les nuées, sous la forme du Ressuscité avec la croix. Il interpelle Saül qui, aveuglé par la lumière divine, est jeté à terre. L’interprétation habituelle de la scène est la manifestation de la colère de Dieu contre l’impie, du coup de foudre divin qui produit la conversion et de la puissance du Saint-Esprit. Mais les circonstances de la mort d’Henri II appellent une autre lecture. La lumière divine aveuglante n’est-elle pas le coup de lance fiché dans l’œil royal ? Le comte de Montgomery, le malheureux adversaire du roi, devient le bras armé de la vengeance de Dieu contre le bourreau d’Anne du Bourg et du « pauvre tailleur » par la même occasion.

Ainsi, les polémistes réformés édifient a posteriori une représentation de la malédiction divine qui châtie le souverain oppresseur. Le « songe message » constitue le vecteur de la prémonition. À la suite de l’histoire du « pauvre tailleur du roi », Henri est alerté, mais il oublie ses résolutions en 1559. Dieu prévient alors son épouse, mais en vain. Lors de l’accident, l’enfant certifie par son propre songe que l’accident est une punition divine. Pour finir, la tapisserie de La conversion de Paul en donne la clé. Le roi est frappé à l’organe qui n’a pas su voir, à l’image des songes dont il n’a pas saisi le message divin.

Le 26 août 1559, s’adressant à Catherine de Médicis, un officier de Jeanne de Navarre, une princesse protestante, expliquait la mort du roi par le châtiment divin en raison du procès d’Anne du Bourg :

Mais si est-ce qu’il [Dieu] luy a pleu monstrer devant tout le monde, qu’il s’en peut et scait bien venger quand il luy plaist : car au milieu de vos triumphes et Mariages, appuiez sur une humaine et glaciale paix : […] il a faict ledict Roy deffunct succomber et tuer d’un coup de lance, et par une façon incogneue.[52]

Agrippa d’Aubigné : entre songe illusion et songe vision
Dans la Réforme, le songe a mauvaise presse en raison du radicalisme de la frange anabaptiste et spiritualiste. Cependant, il demeure un thème exploitable dans la polémique, comme on l’a vu à l’occasion de la mort d’Henri II. Le huguenot de guerre et érudit Agrippa d’Aubigné illustre ce rapport ambiguë avec le songe.

Rêver sa mort
Selon l’Histoire ecclésiastique, le 18 décembre 1562, à la veille de la bataille de Dreux, la principale bataille de la première guerre civile, le prince Louis de Bourbon-Condé, chef du parti protestant, se souvient d’un cauchemar qu’il relate à son principal lieutenant, l’amiral Gaspard de Coligny. Il avait donné trois batailles victorieuses. Il voyait pour chacune un ennemi mort. Mais lui aussi était blessé à mort. Il fit mettre les trois corps l’un sur l’autre, puis lui-même par-dessus et mourut ainsi[53]. Les pasteurs durent apaiser son inquiétude. Ce rêve s’expliquait par la préparation de la bataille. En outre, seul importait la cause de Dieu. À quoi le prince rétorqua abruptement : « Ainsi soit-il. »[54]

Capturé à la suite de la défaite de Jarnac le 13 mars 1569, Condé est exécuté. L’Histoire ecclésiastique restitue alors une valeur prophétique au rêve du prince. Les principaux ennemis du Bourbon furent tués dans des batailles successives : le maréchal de Saint-André à Dreux, François de Lorraine, lors du siège d’Orléans et le connétable Anne de Montmorency à la bataille de Saint-Denis. Et finalement, ajoute l’ouvrage, le Bourbon fut sacrifié « de sang froid à Dieu »[55].

Dans son Histoire universelle, le poète et homme d’arme huguenot Agrippa d’Aubigné rappelle cette anecdote. Son père avait été l’un de ceux à qui Condé avait relaté son cauchemar. Mais il ajoute que Coligny, à l’initiative des manœuvres de la bataille de Dreux, ne se préoccupa nullement de la prédiction. Il était indifférent à l’oniromancie[56].

Le songe illusion
Agrippa d’Aubigné est méfiant face au songe. Dans son Histoire universelle, il méprise les augures et prodiges que les historiens utilisent dans leurs récits. Ceux-ci « se despoüillent de créance et d’authorité » en écrivant de la sorte, affirme-t-il[57].

De même, Agrippa d’Aubigné stigmatise Henri III, doté d’un esprit « affoibli par bigotteries, par songes estranges et terreurs ordinaires ». Voilà pourquoi en 1580 des favoris qui veulent avoir la main sur le souverain tentent le stratagème suivant. À l’aide d’une sarbacane glissée dans la ruelle du lit royal, entre la contenance, un drap étroit placé au chevet du lit ayant la fonction de protéger du froid, et le rideau abritant le lit, des courtisans voulurent « contrefaire un ange et faire couler en l’aureille de ce roi des menaces du ciel et quelques terreurs encontre son péché. » Ce sont les liaisons extra-conjugales du roi qui sont ici visées. François d’Espinay de Saint-Luc devait feindre d’avoir un songe identique, au lendemain de la ruse et en faire part au roi. Toutefois, Anne de Joyeuse, un autre favori, éventa le complot. Saint-Luc fut disgracié[58].

Aubigné mentionne aussi comment en 1584 le roi fit massacrer les lions et autres bêtes féroces de sa ménagerie du Louvre parce qu’il avait rêvé que ceux-ci le dévoraient[59]. Par la suite, des historiens ont vu dans ces bêtes massacrées l’annonce de la double exécution d’Henri de Guise et de son frère Louis, sur ordre du roi, les 23 et 24 décembre 1588[60]. Dans sa Chronologie novenaire (1608), Pierre Palma-Cayet rapporte le massacre de la ménagerie en précisant qu’Henri III avait vu dans le lion le duc de Guise[61]. Mais Aubigné précise, de manière ironique, que ces historiens « interprètent les prophéties après leurs effects »[62].

À cet égard, Aubigné est un calviniste orthodoxe. Tout comme Luther, Calvin limite les songes divins aux prophètes de la Bible. Désormais la sainte Écriture est le pain suffisant du fidèle. Aussi le songe n’est qu’illusion. Dans le 74e sermon portant sur le chapitre 20 du Livre de Job, Calvin commente le verset 8 : « Il s’escoulera comme un songe, sans qu’on le trouve, il s’esvanouira comme une vision de nuit ». Le pasteur développe l’idée que le Seigneur châtiera ses contempteurs. Il les compare à un songe ou à une vision de nuit « qui passe incontinent ». En définitif, l’impie peut faire illusion par sa réussite matérielle, mais ce succès n’est qu’éphémère devant la puissance de Dieu[63].

L’Histoire des martyrs rapporte comment en 1553 le cordelier siennois Jean Molle, arrêté pour ses prêches accuse les juges de l’inquisition romaine d’être des représentants de l’Église de Satan et ajoute :

Qu’est-ce de vostre doctrine autre chose qu’un songe forgé par des seducteurs et hypocrites ? Chascun sait vostre vie : on oit la fausseté et feintise de vos langues, on void vos mains pleines de sang, et aperçoit-on assez à vos visages que vos ventres sont insatiables. […] Je dis que vous estes membres de l’Antechrist et enfans du Diable.[64]

Le songe vision
Cependant, Aubigné peut aussi donner du crédit à la valeur prédictive des songes. Il rapporte le cauchemar d’une huguenote de Baccouë, qui en 1577 avait tout fait pour convaincre son fils de quitter la troupe. Elle avait rêvé qu’un prêtre arrachait les yeux de l’un de ses cousins, puis tuait son fils dans un fossé. Elle se réveilla. Puis elle se rendormit sur le même songe et elle le vit « estendu mort sur un coffre plein d’avoine derrière le portail de Malvirade. » La funeste prédiction s’accomplit ![65]

Dans son autobiographie, Sa vie à ses enfants, publiée bien après sa mort, Aubigné rapporte qu’à l’âge de 6 ans, alors qu’il attendait son précepteur dans sa chambre, il fut visité par une « femme fort blanche ». Elle lui donna « un baiser froit comme glace » avant de disparaître[66]. Aubigné demeure ambiguë sur le statut de cette apparition. Est-ce un songe, une vision ou la réalité ? On peut proposer deux interprétations à cet événement fondateur. Le spectre peut renvoyer à sa mère qui trouva la mort en l’enfantant. Il peut être aussi associé à l’anecdote qui suit immédiatement l’apparition dans son autobiographie. À 7 ans et demi, Agrippa traduit son premier texte grec, le Criton de Platon. Or le dialogue présente un songe prémonitoire de Socrate qui lui annonce sa mort prochaine sous la figure d’une majestueuse femme portant des vêtements blancs[67].

Enfin, dans son œuvre poétique, Les Tragiques (1616), retraçant les guerres de religion à l’aune de sa foi, le songe s’avère l’instance de la vision divine. D’un côté, Aubigné considère le songe comme une illusion trompeuse : « Ne contez pas ces traits pour feinte ni pour songe / L’histoire est du Poictou et de nostre Xaintonge. »[68] Mais de l’autre, le songe du matin est porteur de vérité. C’est le songe du prophète qui autorise la vision surnaturelle. Le poète parle alors de « beaux songes » qui signifient « fermes visions »[69].

La spécialiste Marguerite Soulié montre ainsi comment dans le tableau final du livre « Les Fers », un vieillard s’éveille d’un songe pour accéder à une vision céleste[70]. Des anges viennent chercher le sang des martyrs pour le verser au Paradis. Le vieillard, quant à lui, s’engage à témoigner des persécutions ici-bas : « Je garderay ceux-ci, tant que Dieu me commande / […] / Terre qui les trahis, tu estois trop impure / Pour des saincts et des purs estre la sepulture »[71].

Cette faculté visionnaire grâce au songe s’oppose à la croyance dans l’astrologie. Dans son Advertissement contre l’astrologie judiciaire, Calvin oppose la valeur prédictive des astres au songe message. Si Joseph, fils de Jacob, est considéré comme un devin, ce n’est en réalité qu’une « feintise » de sa part. Il voulait se fondre parmi les ennemis Égyptiens. Cependant, ceux-ci n’ont pas prévu la famine, alors qu’ils connaissaient la science des astres. Au contraire, Joseph prédit la catastrophe. Mais ce n’est pas grâce à l’astrologie, mais par l’interprétation qu’il fit du songe envoyé par Dieu à Pharaon (Gn 41, 1-32)[72].

À travers les cas Monluc et Aubigné, nous avons montré comment le songe a des enjeux polémiques durant les guerres de Religion. D’un côté, un capitaine partisan de l’ordre royal et catholique dans sa province et pour qui le déchirement confessionnel constitue une menace pour ses ambitions personnelles. Toutefois, il n’hésite pas à évoquer cette angoisse pour convaincre les élites locales d’une orientation politique intransigeante. Au lendemain de la deuxième guerre de Religion, en 1568, Monluc fait allusion à ses deux songes, lors d’un entretien avec des notables bordelais au sujet des agissements des huguenots dans le Sud-Ouest[73].

De l’autre côté, un huguenot, homme de guerre également, mais aussi poète et dévot, qui distingue deux rapports au songe. D’une part, une appréhension superstitieuse et méprisable qui attribue un sens à ce qui n’est que le résultat d’une imagination et d’une physiologie déréglées. D’autre part, le songe, medium privilégié du prophète auquel Aubigné s’identifie au moins comme poète contre l’Antéchrist et ses suppôts.

Les interprétations des songes ont souvent une valeur politico-religieuse et prédictive dans un contexte de guerre civile de religion. Les thuriféraires huguenots fabriquent ainsi le destin tragique d’Henri II, le roi persécuteur de leurs coreligionnaires dans la décennie 1550, à travers des songes prémonitoires. Mais plus encore, des songes et visions peuvent conduire à ce qu’il y a de plus subversif dans la société d’Ancien Régime, le régicide. Lors de ses interrogatoires, François Ravaillac, le meurtrier d’Henri IV en 1610, décrit un songe et une vision pour expliquer sa mission divine. Le songe est celui d’un voisin, un dénommé Dubois, qui, dans une auberge, rêva d’un grand chien noir. Il fut si terrifié qu’il réveilla Ravaillac qui dormait dans une pièce contigüe. Au lendemain, les deux hommes allèrent demander une messe en faveur de la victime de l’apparition. Ravaillac avoua à ses juges que cet événement le poussa à s’attacher à la contemplation des secrets de la « Providence éternelle ». Il en avait de « fréquentes révélations, tant en dormant qu’en veillant »[74].

Par la suite, il évoque des visions d’hosties sanglantes, lorsqu’il priait[75]. Ravaillac assassina le roi parce qu’il ne lui reconnaissait pas la sincérité de sa conversion en 1593. Tout comme dans le Saint-Empire, l’instrumentalisation politico-religieuse du songe en France ne pouvait aboutir qu’à une psychologisation et à une « pathologisation » de l’imagination[76]. Le mot « rêve » commence à recouvrir le mot songe au XVIIe siècle pour signifier « délire ».

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N o t e s
[1]  DUBY, G. – LARDREAU, G. : Dialogues. Paris : Flammarion 1980, p. 41.
[2]  Les neurosciences ont une approche descriptive du rêve. Elles n’ont donc guère d’utilité sur l’interprétation de celui-ci, si ce n’est de prévenir la surinterprétation. HENNEVIN, E. : « Le rêve vu par les Neurosciences ». In Champ psy, 3/2003, n°31, pp. 69-79.
[3]  EKIRCH, R. : At Day’s Close – Night in Times Past. NYC et London : W. W. Norton & Company 2006.
[4]  VÉRINGA, S. : « Sommeil : nos ancêtres ne dormaient pas comme nous ». Disponible en ligne : http://www.espritsciencemetaphysiques.com/sommeil-dormons-bonne-facon.html [consulté le 12 juin 2015] ; DELUMEAU, J. : La Peur en Occident (XIVe-XVIIIe siècles). Une cité assiégée. Paris : Hachette 1982, pp. 119-131.
[5]  BURKE, P. : « L’Histoire sociale des rêves ». In Annales. ESC, 28e année, n°2, 1973, p. 332.
[6]  GANTET, C. : Der Traum in der Frühen Neuzeit. Ansätze zu einer kulturellen Wissenschaftsgeschichte. Berlin ; New York : De Gruyter 2010 (Frühe Neuzeit, 143).
[7]  KOSELLECK R. : « Terreur et rêve ». In Le Débat, n°3, 1983, p. 192.
[8]  Alfred Adler a cependant développé une théorie interprétative du rêve qui est tournée vers l’avenir. ADLER, A. : Le Sens de la vie. Paris : Payot 1950 [1933].
[9]  HERSANT, Y. : « Peindre le rêve ? » In CECCHI, A. et al. : La Renaissance et le rêve Bosch, Véronèse, Greco… Paris : RMN 2013, p. 14.
[10]  BÉRADT, C. : Rêver sous le IIIe Reich. Paris : Payot 2002. Voir aussi KOSELLECK R. : « Terreur et rêve », art. cit.
[11]  DUMORA, F. : L’Œuvre nocturne. Songe et représentation au XVIIe siècle. Paris : Champion 2006.
[12]  GANTET, C. : « Le rêve dans l’Allemagne du XVIe siècle. Appropriations médicales et recouvrements confessionnels ». In Annales HSS, janvier-février 2010, n°1, p. 44.
[13]  LE GOFF, J. : « Rêves ». In LE GOFF, J. – SCHMITT, J.-C. (éd.) : Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval. Paris : Fayard 2014 (2e éd.), pp. 961-967.
[14]  SY, J. de : « Le débat du clerc et du chevalier ». In Le Songe du Verger (1378). Londres : British Library, MS Royal, 19 C IV, f.1v.
[15]  HERSANT, Y. : « Peindre le rêve ? », art. cit., p. 13.
[16]  KLIBANSKY, R. – PANOFSKY, E. – SAXL, F. : Saturne et la Mélancolie. Paris : Gallimard 1989.
[17]  BOKDAM, S. : Métamorphoses de Morphée. Théories du rêve et songes prophétiques à la Renaissance en France. Paris : Champion 2012.
[18]  HUSSER, J.-M. : « Songe ». In Dictionnaire de la Bible. Paris : Letouzey et Ané Éditeurs 1996, t. 12, pp. 1060-1062.
[19]  BOLARD, L. : « Augustin, du songe à la lumière. Sur la Vision de saint Augustin de Carpaccio ». In Revue de l’histoire des religions, 2, 2005. Disponible en ligne : http://rhr.revues.org/4183 [consulté le 8 juin 2015].
[20]  HERSANT, Y. : « Peindre le rêve ? », art. cit., p. 13.
[21]  La typologie de Macrobe propose cinq catégories de rêves : somnium (présage énigmatique) ; visio (image claire du futur) ; oraculum (message divin) ; insomnium (expression des affects de désir et de crainte) ; visum (apparition de la rêverie).
[22]  GANTET, C. : « Le rêve dans l’Allemagne du XVIe siècle. Appropriations médicales et recouvrements confessionnels », art. cit., p. 50.
[23]  Ibid., p. 51.
[24]  Ibid., p. 52.
[25]  Ibid., pp. 56-57.
[26]  BERRIOT, F. : « Rêver la mort, rêver la résurrection : notes sur les clés des songes du Moyen Âge et de la Renaissance ». In Bulletin de l’Association d’étude sur l’humanisme, la réforme et la renaissance, n°37, 1993, pp. 51-62.
[27]  MONLUC, B. de : Commentaires 1521-1576 (éd. critique par Paul Courteault). Paris : Gallimard 1964, p. 464.
[28]  Ibid.
[29]  CROUZET, D. : Les Guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion. Vers 1525-Vers 1610. Seyssel : Champ Vallon 1990, t. I, p. 180.
[30]  LE GOFF, J. : « Rêves », art. cit., pp. 950-951.
[31]  MENIEL, B. : « Pierre Boaistuau, Histoires prodigieuses (édition de 1561). Texte établi par Stephen Bamforth et annoté par Jean Céard ». In Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 2010, mis en ligne le 26 juin 2011. Disponible sur : http://crm.revues.org/12303 [consulté le 12 avril 2015].
[32]  BOAISTUAU, P. et al. : Histoires Prodigieuses Extraictes De Plusieurs Fameux Autheurs, Grecs & Latins, sacrez & prophanes, divisées en cinq livres. Paris : Guillain Janssens 1594, p. 321.
[33]  CROUZET, D. : Les Guerriers de Dieu, op. cit., t. I, p. 181 ; BOAISTUAU, P. et al. : Histoires Prodigieuses Extraictes De Plusieurs Fameux Autheurs, Grecs & Latins, sacrez & prophanes, divisées en cinq livres, op. cit., p. 331.
[34]  MONLUC, B. de : Commentaires 1521-1576, op. cit., p. 464.
[35]  Ibid.
[36]  Il ne faut pas négliger aussi l’effet rétroactif du genre des Mémoires. Monluc écrit ses Commentaires à partir de 1571. Il connaît donc le complot protestant tramé contre Charles IX au château de Montceau-en-Brie qui eut lieu le 28 septembre 1567 et dont on se souvient sous le nom de la « Surprise de Meaux ». Les Commentaires ont été publiés après la mort de Blaise de Monluc, en 1592, par Florimond de Raemond. Cependant, l’étude critique comparant les manuscrits primitifs et la première édition montre que la majorité des modifications sont le fruit de la révision personnelle de l’auteur plutôt que de l’éditeur. CORTEAULT, P. : « Introduction », MONLUC, B. de : Commentaires 1521-1576, op. cit., pp. XXVIII-XXIX.
[37]  Ibid., p. 593.
[38]  « Ce ne sont pas des contes faicts à plaisir. » [ajout pour l’édition]. Ibid., p. 593.
[39]  Ibid., pp. 593-594.
[40]  À la suite de la défaite de Cérisolles (11 avril 1544), Montluc écrit que son cœur le serra et il demeura « plus de trois nuicts en ceste peur », s’éveillant « sur le songe de la perte. ». Ibid., p. 165.
[41]  Ibid., pp. 593-594.
[42]  Ibid., p. 607.
[43]  L’autel et l’image sacrée sont des symboles de l’Église catholique que l’on oppose à la chaire du pasteur et l’absence d’image dans le temple protestant.
[44]  Blaise de Monluc symbolise la cruauté catholique pour les huguenots. Ceux-ci qualifient la férocité des catholiques « à la monlucoise ». Histoire ecclésiastique des eglises reformées au royaume de France…, Divisée en trois tomes, de l’imprimerie de Jean Remy, Anvers, 1580. Paris : Fischbacher 1889, t. II, p. 911.
[45]  CORTEAULT, P. : « Introduction », MONLUC, B. de : Commentaires 1521-1576, op. cit., pp. XXVIII-XXIX.
[46]  Histoire ecclésiastique des églises réformées au royaume de France, en laquelle est descrite au vray la renaissance et accroissement d’icelles depuis l’an M. D. XXI jusques en l’année M. D. LXIII. Leur reiglement ou discipline, Synodes, persecutions tant generales que particulieres, noms et labeurs de ceux qui ont heureusement travaillé, villes et lieux où elles ont esté dressées, avec le discours des premiers troubles ou guerres civiles, desquelles la vraye cause est aussi declaree. Divisée en trois tomes, de l’imprimerie de Jean Remy, Anvers, 1580, éd. nouvelle par feu G. Baum et par Ed. Cunitz. Nieuwkoop : B. de Graaf, 1974, t. 1, pp. 195-196.
[47]  CRESPIN, J. : Histoire des martyrs persécutez et mis à mort pour la vérité de l’Evanghelie depuis le temps des Apotres jusqu’à présent. Genève 1619, t. 1, livre IV, pp. 199-200.
[48]  Histoire ecclésiastique des eglises reformées au royaume de France, op. cit., t. I, pp. 97-98.
[49]  Ibid., pp. 97-98.
[50]  Ibid., p. 226.
[51]  Ibid.
[52]  « Copie des Lettres envoyées à la Roine Mere, par un sien serviteur, après la mort du feu roi Henri II ». Mémoires de Condé ou Recueil pour servir à l’histoire de France, contenant ce qui s’est passé de plus mémorable dans le Royaume, sous le règne de François II et sous une partie de celui de Charles IX. Où l’on trouvera des preuves de l’Histoire de M. de Thou. Londres : Claude du Bosc et Guillaume Darrés ; Paris : Rollin Fils ; La Haye : Pierre de Hondt 1743-1745, t. I, pp. 626-627.
[53]  Histoire ecclésiastique des églises réformées au royaume de France, op. cit., (éd. 1974), t. II, p. 281.
[54]  Ibid.
[55]  Ibid.
[56]  AUBIGNÉ, A. d’ : Histoire universelle. J. Moussat 1616, t. 1, p. 165.
[57]  AUBIGNÉ, A. d’ : Histoire universelle (éd. Alphonse de Rublé). Paris : Renouard 1886-1909, t. 5, 1576-1579, p. 244.
[58]  Ibid., t. 6, 1579-1585, pp. 72-73.
[59]  Ibid., t. 7, 1585-1588, p. 397.
[60]  Ibid.
[61]  PALMA-CAYET, P. : Chronologie novenaire. Paris : Éd. du Panthéon 1875, p. 81. Toutefois, dans son registre-journal, Pierre de L’Estoile explique que le songe « sembloit presager ce que depuis on a veu advenir, lorsque ces bêtes furieuses de la ligue, se ruans sur ce pauvre prince, l’ont déchiré et mangé avec son peuple. » L’ESTOILE, P. de : Registre-Journal du règne de Henri III. Genève : Droz 2000, vol. 4, p. 67.
[62]  AUBIGNÉ, A. d’ : Histoire universelle, op. cit., t. 7, 1585-1588, p. 397.
[63]  Sermons de M. Jean Calvin sur le livre de Job, recueillis fidelement de sa bouche selon qu’il les preschoit. Genève : Matthieu Berjon 1611, pp. 374-375.
[64]  CRESPIN, J. : Histoire des Martyrs, op. cit., t. I, l. III, p. 286.
[65]  AUBIGNÉ, A. d’ : Histoire universelle, op. cit., t. 5, 1576-1579, p. 244.
[66]  AUBIGNÉ, A. d’ : Sa vie à ses enfants (éd. Gilbert Schrenck). Paris : Société des textes français modernes 1986, p. 51.
[67]  JUNOD, S. : Agrippa d’Aubigné, ou, les misères du prophète. Genève : Droz 2008, pp. 115-116.
[68]  AUBIGNÉ, A. d’ : Les Tragiques, « Misères » (v. 1185). Cité par SOULIÉ, M. : « Songe et vision dans les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné ». In CHARPENTIER, F. (éd.) : Le Songe à la Renaissance. Saint-Étienne : PU de Saint-Étienne 1990, p. 203.
[69]  Ibid., p. 204.
[70]  Ibid., pp. 205-206.
[71]  AUBIGNÉ, A. d’ : Les Tragiques. Paris : Flammarion 1968, « Les Fers » (v. 1525-1530).
[72]  CALVIN, J. : Traité ou avertissement contre l’astrologie qu’on appelle judiciaire et autres curiosités qui règnent aujourd’hui au monde, 1549 (éd. Olivier Millet). Paris : Droz 1985, p. 83.
[73]  MONLUC, B. de : Commentaires 1521-1576, op. cit., p. 633.
[74]  CHEVALLIER, P. : Les Régicides. Clément, Ravaillac, Damiens. Paris : Fayard 1989, p. 208.
[75]  Ibid., pp. 212-213.
[76]  GANTET, C. : « Zwischen Wunder, Aberglaube und Fiktion : Der Traum als politisches Medium in Frankreich, ca. 1560 – ca. 1620 ». In SCHMIDT, P. – WEBER, G. (éd.) : Traum und res publica : Traumkulturen und Deutungen sozialer Wirklichkeiten im Europa von Renaissance und Barock. Berlin : Walter de Gruyter 2008, pp. 307-326.

David El Kenz
Université de Bourgogne
UMR CNRS 7366
david.elkenz@sfr.fr

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