Wild Children and the Question of Human Nature
In the present text, the authors deals with the specific phenomenon of the so-called wild children, i. e. human beings deprived of contact with other members of the human species. We concentrate on a particular historical case – Victor of Aveyron, a wild child found in France in the end of the 18th century who has been submitted to remarkable pedagogical procedures conducted by J.-M. Itard. We attempt to highlight Itard’s philosophical background (Condillac, Locke) and to show how his philosophical conjectures might have influenced his practical pedagogical approach especially in the domain of language acquisition.
Keywords: wild children, language acquisition, Enlightenment philosophy
Pour commencer, il faut d’abord poser la question pourquoi.[1] Pourquoi s’intéresser aux enfants sauvages – c’est-à-dire aux enfants privés, pour une raison ou une autre, du contact avec d’autres êtres humains pendant une période prolongée – lorsqu’il s’agit de comprendre la nature humaine par rapport à l’animalité ? Qu’est-ce que les enfants sauvages peuvent nous dire sur la nature humaine en général et sur la relation entre l’homme et l’animal en particulier ? La question, en fait, est particulièrement épineuse : en général, on peut pourtant affirmer que le phénomène des enfants sauvages nous fournit un exemple négatif, nous permettant d’examiner certains processus – celui de l’acquisition du langage et du développement de certaines compétences cognitives, entre autres – sous des conditions pour ainsi dire « non-standard » ; bref, l’enfant sauvage représente un cas-limite capable de nous apprendre quelque chose sur la manière dont nous, les êtres « normaux », vivons, pensons, percevons ce qui nous entoure. L’importance de la fonction du langage pour la formation de la subjectivité (pour ne donner qu’un exemple) devient évidente chez un être humain dont l’accès au langage est justement bloqué et qui est privé de la possibilité d’acquérir les compétences langagières de manière habituelle, c’est-à-dire en suivant les « modèles » représentés par les membres adultes (le plus souvent les parents) de l’espèce humaine.
C’est pour ces raisons que les enfants sauvages ont depuis toujours suscité le vif intérêt des linguistes, des philosophes et des psychologues. Le cas sur lequel nous allons nous concentrer, le cas célèbre de Victor de l’Aveyron (un enfant sauvage trouvé en France à la fin du XVIIIe siècle), a été interprété comme pouvant jeter la lumière sur la nature humaine, et qui plus est, sur la nature humaine telle qu’elle est traitée par les philosophes. Ceci, en fait, n’a rien de surprenant : la philosophie du XVIIIe siècle – très influencée par l’empirisme lockéen – ne cesse de s’interroger sur la nature de la perception (d’où l’intérêt constant pour les sourds et les aveugles, c’est-à-dire les êtres humains chez qui cette perception se trouve « incomplète[2] ») et sur l’influence que la société exerce sur la formation de nos capacités cognitives (d’où les fictions philosophiques du soi-disant « premier homme », à savoir un être humain pleinement développé mais privé de la possibilité d’« exercer » ses sens[3]). Il est donc logique que lorsqu’un enfant sauvage est réellement trouvé, il sera vu comme un « matériau » idéal pour traiter les problèmes proprement philosophiques.
Pour avoir quelque idée sur la nature de ces problèmes et pour bien mesurer toute la portée de la question à laquelle le phénomène des enfants sauvages nous confronte, il nous paraît particulièrement propice de commencer par la relecture d’un texte qui ne date pas du XVIIIe siècle mais qui éclaire bien tous les enjeux de notre questionnement. Il s’agit de quelques pages que Claude Lévi-Strauss a consacrées aux enfants sauvages dans son premier grand ouvrage, Les structures élémentaires de la parenté. Non qu’il s’agisse d’une analyse très détaillée ; il s’agit, en fait, de deux ou trois pages figurant tout au début du livre, mais ce court passage est pourtant très révélateur du dilemme rencontré par quiconque se pose les questions mentionnées plus haut. Pour Lévi-Strauss, il ne s’agit de rien de moins que de la question de la nature et de la culture (une distinction clé non seulement dans Les structures élémentaires de la parenté, mais également dans quasiment tous les ouvrages ultérieurs du fondateur de l’anthropologie structurale). Comment, en fait, distinguer la nature et la culture, comment les poser l’une par rapport à l’autre ? – voilà la question. « L’homme est un être biologique en même temps qu’un individu social », déclare Lévi-Strauss[4]. Est-il donc possible de distinguer, dans l’homme, le biologique et le social ? Et c’est ici que le phénomène des enfants sauvages entre en jeu dans le raisonnement lévi-straussien. En isolant un individu, par exemple, en le privant des relations avec d’autres êtres humains (et de la possibilité d’accéder au langage et au symbolisme au sens général du terme), parviendrait-on à le débarasser de ce qu’il y a de culturel en lui, de trouver, pour ainsi dire, la nature derrière la culture ? Lévi-Strauss est, bien sûr, conscient des pièges qu’une telle spéculation lui tend :
Le milieu satisfaisant aux conditions rigoureuses d’isolation exigée par l’expérience n’est pas moins artificiel que le milieu culturel auquel on prétend le substituer. Par exemple, les soins de la mère pendant les premières années de la vie humaine constituent une condition naturelle du développement de l’individu. L’expérimentateur se trouve donc enfermé dans un cercle vicieux[5].
La formulation de Lévi-Strauss est assez lucide, en fait, et en dit long sur les problèmes liés à ce qu’on appelle, à propos des individus isolés, « une expérience interdite » (forbidden experiment[6]). Pourtant, Lévi-Strauss remarque que cette expérience interdite est parfois effectuée par la nature elle-même :
Il est vrai que le hasard a parfois paru réussir ce dont l’artifice est incapable : l’imagination des hommes du XVIIIe siècle a été fortement frappée par les cas de ces enfants sauvages, perdus dans la campagne depuis leurs jeunes années, et auxquels un concours de chances exceptionnel a permis de subsister et de se développer en dehors de toute influence du milieu social[7].
Et Lévi-Strauss va assez vite à tirer une conclusion, qui semble assez surprenante, étant donné ce qu’il a dit plus haut :
Mais il apparaît assez clairement des anciennes relations que la plupart de ces enfants furent des anormaux congénitaux, et qu’il faut chercher dans l’imbécilité dont ils semblent avoir à peu près unanimement fait la preuve, la cause initiale de leur abandon, et non, comme on le voudrait parfois, son résultat[8].
Et un peu plus loin :
Les enfants sauvages, qu’ils soient le produit du hasard ou de l’expérimentation, peuvent être les monstruosités culturelles ; mais, en aucun cas, les témoins fidèles d’un état antérieur[9].
Qu’on nous permette de faire deux remarques : la première est historique. Il n’est pas sans intérêt de dire en passant que l’argumentation de Lévi-Strauss est très proche de ce qu’un autre penseur – qui a d’ailleurs toujours exercé une très grande influence sur la pensée de Lévi-Strauss – a dit sur la même question. Dans le Discours sur l’origine de l’inégalité, Jean-Jacques Rousseau se trouve confronté à une question analogue lorsqu’il s’agit de définir le célèbre état de la nature. Rousseau, on le sait bien, va souligner le caractère imaginaire de cet état primordial de l’espèce humaine :
Car ce n’est pas une légère entreprise de demêler ce qu’il y a d’originaire et d’artificiel dans la nature actuelle de l’homme, et de bien connoître un état qui n’existe plus, qui n’a peut-être point existé, qui probablement n’existera jamais, et dont il est pourtant nécessaire d’avoir les notions justes, pour bien juger de notre état présent[10].
Or il n’est pas surprenant que Rousseau aussi, dans ce contexte, va rencontrer des enfants sauvages et employer la même argumentation que Lévi-Strauss deux siècles plus tard. Après avoir mentionné plusieurs cas de ces enfants (un enfant trouvé près de Hesse en 1344, un enfant trouvé en Lithuanie en 1694, un petit sauvage de Hannovre et quelques autres cas), il arrive à la conclusion suivante : l’enfant sauvage n’est pas du tout un témoin de l’état naturel (comme on pourrait s’y attendre peut-être), car « l’exemple des enfants étant pris dans un âge où les forces naturelles ne sont point encore développées, ni les membres raffermis, ne conclut rien du tout […]. Les faits particuliers ont encore peu de force contre la pratique universelle de tous les hommes, même des nations qui, n’ayant eu aucune communication avec les autres, n’avoient pu rien imiter d’elles. L’enfant abandonné dans la forêt avant que de pouvoir marcher, et nourri par quelque bête, aura suivi l’exemple de sa nourrice, en s’exerçant à marcher comme elle » – mais cela ne prouve rien du tout, continue Rousseau[11]. En se référant aux enfants sauvages, on ne retrouve pas la nature « derrière » la culture ; on ne fait que découvrir quelques curiosités qui ne nous disent rien sur l’état naturel de l’homme.
La deuxième remarque, qui n’est pas sans importance, comme on va le voir, concerne l’argumentation de Lévi-Strauss lui-même – il est fort curieux de voir que sa conclusion le place, en un point, dans la même situation paradoxale et dans le même cercle vicieux que son expérimentateur imaginaire : il parle de l’imbécilité dont les enfants presque unanimement ont fait la preuve et qui a été censée être non pas l’effet mais la cause de leur abandon. Mais comment est-ce possible ? Comment, dans des conditions aussi peu habituelles et aussi extrêmes, pourrait-on distinguer ainsi entre la cause et l’effet ? Qu’est-ce qui nous permet de dire que l’enfant avait été mentalement arriéré, disons, avant son abandon (et qu’il a été abandonné à cause de cela) si nous n’avons aucun accès à son état mental antérieur – qui plus est, tous les enfants sauvages qu’on a découverts présentent des symptômes analogues qui ressemblent notamment à certaines formes de l’autisme ; cela voudrait dire que tous les enfants abandonnés avaient souffert de la même maladie avant d’être abandonnés (ce qui est fort peu probable). Il est donc beacoup plus vraisemblable que le fait de l’isolement a gravement affecté les facultés mentales de ces individus ; seulement, nous ne sommes pas capables de dire comment et dans quelle mesure, car les cas dont nous parlons restent assez rares et ne nous fournissent pas suffisamment de données pour prononcer un jugement là-dessus. Nous allons y revenir à la fin du présent texte.
Il semble d’ailleurs que Lévi-Strauss n’a pas vraiment lu ces « anciens rapports » auxquels il fait appel en parlant des enfants sauvages. Lucien Malson, qui a consacré aux enfants sauvages une étude devenue classique, nous fait justement remarquer que
Lévi-Strauss, dans sa thèse admirable, ne traite des enfants sauvages qu’en passant et n’a manifestement pas eu le temps de s’informer : presque toutes ses références bibliographiques sont erronées, soit dans les dates, soit dans les titres d’ouvrages[12].
Il y a au moins un exemple (mais qui est, en même temps, l’exemple le mieux documenté que nous connaissions) d’un enfant sauvage qui est devenu l’objet des efforts pédagogiques précisément à cause du fait que son éducateur, lui, l’a considéré non pas comme un idiot, mais comme une réponse vivante à un problème philosophique : bref, il a considéré – sous l’influence de la philosophie contemporaine, notamment Condillac et Locke plutôt que Rousseau, cette fois-ci – que l’enfant sauvage peut nous dire quelque chose sur la nature humaine. L’enfant dont nous parlons est connu sous le nom de Victor de l’Aveyron, et dans ce qui suit, nous allons lui consacrer une analyse plus détaillée.
Nous avons déjà dit que le XVIIIe siècle était fasciné par les individus soit isolés, soit privés d’une certaine dimension de la perception sensorielle, comme les sourds ou les aveugles. Cet intérêt est lié, d’abord, aux débats sur la question du rapport entre l’homme et l’animal : qu’est-ce qui les distingue ? Le langage ? La position debout ? L’enfant sauvage – et le sourd – ne parlent pas : alors s’agit-il d’êtres humains ? Qu’est-ce qui nous caractérise comme humains par rapport aux animaux ? Puis, la question très discutée à l’époque concerne l’existence ou l’inexistence des idées innées : les philosophes du XVIIIe siècle, généralement sensualistes, étaient peu enclins à admettre l’existence des contenus mentaux indépendents de la perception sensorielle. Les individus isolés, privés du contact – d’une manière ou d’une autre – avec la société humaine, sont des réponses vivantes à cette question. Qu’on nous permette de citer un seul exemple, à savoir le cas célèbre du sourd-muet de Chartres, qui a tant fasciné Condillac et qui n’est pas sans rapport à la question qui est ici la nôtre.
À Chartres, un jeune homme de vingt-trois à vingt-quatre ans, fils d’un artisan, sourd et muet de naissance, commença tout-à-coup à parler, au grand étonnement de toute la ville. On sut de lui que, trois ou quatre mois auparavant, il avait entendu le son des cloches, et avait été extrêmement surpris de cette sensation nouvelle et inconnue. Ensuite il lui était sorti une espèce d’eau de l’oreille gauche, et il avait entendu parfaitement des deux oreilles. Il fut trois ou quatre mois à écouter sans rien dire, s’accoutumant à répéter tout bas les paroles qu’il entendait, et s’affermissant dans la prononciation et dans les idées attachées aux mots. Enfin, il se crut en état de rompre le silence, et il déclara qu’il parlait, quoique ce ne fût encore qu’imparfaitement. Aussitôt des théologiens habiles l’interrogèrent sur son état passé, et leurs questions principales roulèrent sur Dieu, sur l’âme, sur la bonté ou la malice morale des actions. Il ne parut pas avoir poussé ses pensées jusque-là. Quoiqu’il fût né de parents catholiques, qu’il assistât à la messe, qu’il fût instruit à faire le signe de la croix, et à se mettre à genoux dans la contenance d’un homme qui prie, il n’avait jamais joint à tout cela aucune intention, ni compris celle que les autres y joignent. Il ne savait pas bien distinctement ce que c’était que la mort, et il n’y pensait jamais. Il menait une vie purement animale, tout occupé des objets sensibles et présents, et du peu d’idées qu’il recevait par les yeux. Il ne tirait pas même de la comparaison de ces idées tout ce qu’il semble qu’il en aurait pu tirer. Ce n’est pas qu’il n’eût naturellement de l’esprit ; mais l’esprit d’un homme privé du commerce des autres, est si peu exercé et si peu cultivé, qu’il ne pense qu’autant qu’il y est indispensablement forcé par les objets extérieurs[13].
Pour Condillac, le sourd de Chartres est une preuve matérielle du fait que l’esprit de l’homme isolé, « privé du commerce des autres », est incapable de former des idées complexes. Quelques pages plus loin, Condillac va citer justement l’exemple d’un enfant sauvage pour montrer des effets de l’isolement complet sur les facultés mentales de l’individu :
Je n’avance pas de simples conjectures. Dans les forêts qui confinent la Lithuanie et la Russie, on prit, en 1694, un jeune homme d’environ dix ans, qui vivait parmi les ours. Il ne donnait aucune marque de raison, marchait sur ses pieds et sur ses mains, n’avait aucun langage, formait des sons qui ne ressemblaient en rien à ceux d’un homme. Il fut longtemps avant de pouvoir proférer quelques paroles, encore le fit-il d’une manière bien barbare. Aussitôt qu’il put parler, on l’interrogea sur son premier état ; mais il ne s’en souvint non plus que nous nous souvenons de ce qui nous est arrivé au berceau[14].
Bref, ce sont les questions épistémologiques qui commandent l’intérêt du XVIIIe siècle pour les individus isolés (et les fictions autour de telles figures abondent dans la littérature de l’époque, y compris la fiction pédagogique ou érotique). Dans ce qui suit, nous allons essayer de démontrer comment cette attitude philosophique a influencé une tentative pratique d’élever un enfant sauvage.
Voilà donc ce qui s’est passé : à la fin du XVIIIe siècle, en 1799, un enfant sauvage est trouvé dans l’Aveyron. Il a à peu près 11-12 ans et il émerge de la forêt pendant un hiver particulièrement rude. Le garçon est placé à Rodez d’abord, mais vite, il suscite l’intérêt des savants et est transporté à Paris[15]. Il est examiné par Pierre Joseph Bonnaterre, puis par Philippe Pinel qui conclut – comme l’aurait fait Lévi-Strauss plus tard – à l’imbécilité congénitale dont l’enfant souffre probablement depuis sa naissance. Heureusement pour le garçon, une voix s’élève contre le jugement de Pinel : la voix de Jean-Marc Itard, un jeune médecin qui travaille à l’Institut des Sourds-Muets à Paris avec l’abbé Sicard (le successeur du célèbre abbé de l’Epée). Itard est un spécialiste des maladies de l’ouïe et l’auteur du Traité des maladies de l’oreille et de l’audition, publié en deux volumes en 1821. Mais dans le contexte qui nous intéresse, c’est tout d’abord un grand lecteur de Condillac et de Locke, qui ont largement influencé sa vue de l’esprit humain.
Itard récuse le diagnostique de Pinel : selon lui, l’enfant n’est pas un « imbécile désespéré », mais un être intéressant digne de notre attention. Pourquoi ? Parce que l’enfant est une réponse vivante à un problème qui est explicitement présenté par Itard comme un problème métaphysique :
Si l’on donnait à résoudre ce problème de métaphysique : déterminer quels seraient le degré d’intelligence et la nature des idées d’un adolescent qui, privé des son enfance de toute éducation, aurait vécu entièrement séparé des individus de son espèce […]. Eh bien ! Le tableau moral de cet adolescent serait celui du Sauvage de l’Aveyron et la solution du problème donnerait la mesure et la cause de l’état intellectuel de celui-ci[16].
L’enfant n’est pas un idiot parce qu’il est né comme tel, mais précisément à cause de son isolement. Comme tel, il peut faire l’objet de l’éducation. Itard décide donc d’entreprendre l’éducation de l’enfant en question, de le « mener à la civilisation ». Il rédige deux rapports résumant les résultats du processus éducatif, l’un en 1801 et l’autre en 1805. Grâce à ces deux textes, nous disposons aujourd’hui d’un cas bien documenté de l’éducation de l’enfant sauvage.
Itard, nous l’avons dit, est très influencé par la lecture de Locke et de Condillac. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement un enfant isolé, mais la nature humaine en tant que telle : en témoigne le passage exalté ouvrant le premier rapport, dont l’accent philosophique est immédiatement repérable :
Jeté sur ce globe sans forces physiques et sans idées innées, hors d’état d’obéir par lui-même aux lois constitutionnelles de son organisation, qui l’appellent au premier rang du système des êtres, l’homme ne peut trouver qu’au sein de la société la place éminente qui lui fut marquée dans la nature, et serait, sans la civilisation, un des plus faibles et des moins intelligents des animaux […][17].
Pourtant, Itard n’est pas confronté à une fiction philosophique – tel l’Émile de Rousseau ou la statue de Condillac – mais à un enfant bien vivant qu’il faut réellement éduquer. Itard propose donc un programme éducatif dont le but consiste à élargir et à développer les capacités mentales de l’enfant, à « éduquer ses sens », selon la terminologie bien courante de l’époque. Le programme va consister en cinq étapes : 1) l’attacher à la vie sociale ; 2) réveiller la sensibilité nerveuse par les stimulants les plus énergiques et quelquefois par les vives affections de l’âme ; 3) étendre la sphère de ses idées en lui donnant des besoins nouveaux (quant à la notion de besoin, nous allons y revenir) ; 4) le conduire à l’usage de la parole ; 5) exercer sur les objets de ses besoins physiques les plus simples opérations de l’esprit[18].
Le « tableau clinique » du petit garçon est fort particulier : il ne parle pas, bien sûr, mais en même temps, il ne fait pas la distinction entre le chaud et le froid (un trait qu’on a découvert chez plusieurs enfants sauvages), il entend des sons faibles mais pas les sons forts, il ne reconnaît pas son image dans le miroir.
Les dimensions du présent texte nous interdisent de nous attarder sur les détails des procédés concrets qu’Itard – parfois non sans génie – va employer pour changer cette disposition initiale. Nous allons nous limiter à deux choses : la sensibilité nerveuse et l’acquisition de la parole. Disons seulement que pendant les premières semaines de l’éducation, Itard va se concentrer notamment sur la sensibilité nerveuse du garçon. Il va essayer de la stimuler en administrant des bains très chauds et en employant parfois des moyens plutôt inattendus :
Je fis joindre à l’administration des bains l’usage des frictions sèches le long de l’épine vertébrale et même des chatouillement dans la région lombaire. Ce dernier moyens n’était pas un des moins excitants ; je me vis même contraint de le proscrire, quand ses effets ne se bornèrent plus à produire des mouvements de joie, mais parûrent s’étendre encore aux organes de la génération, et menacer d’une direction fâcheuse les premiers mouvements d’une puberté déjà trop précoce[19].
Aux bains, il joint les stimulations des affections de l’âme, la joie et la colère étant les deux affections principales dont le garçon était capable. Après une certaine période, la méthode d’Itard est couronnée du succès : le garcon commence à distinguer le chaud et le froid, par exemple, ou bien il semble beaucoup plus attaché à la société (par la société, on entend – sauf Itard lui-même – d’abord sa femme de ménage Mme Guérin et sa fille Julie). Et il est temps de commencer à lui apprendre à parler – c’est ce passage-là du rapport d’Itard qui est particulièrement passionnant car il démontre comment ses lectures philosophiques ont influencé son approche pédagogique. Nous allons donc y consacrer quelque attention.
L’enfant n’entend pas très bien. Pourtant, il manifeste une certaine prédilection pour la voyelle « o » :
Un jour qu’il était dans la cuisine occupé à faire cuire des pommes de terre, deux personnes se disputaient vivement derrière lui, sans qu’il parût y faire la moindre attention. Une troisième survint qui, se mêlant à la discussion, commençait toutes ses répliques par ces mots : Oh! C’est différent. Je remarquais que toutes les fois que cette personne laissait échapper son exclamation favorite : oh ! Le Sauvage de l’Aveyron retournait vivement la tête[20].
À cause de cela, Itard décide de nommer le garçon Victor. Mais comment en profiter pour lui apprendre à parler ? Itard va décider de faire appel aux objets de ses besoins. Il est fort vraisemblable que sa lecture de Condillac y est pour quelque chose : sans entrer dans les détails, disons seulement que dans son célèbre Essai sur les origines des connaissances humaines, Condillac nous présente un « mythe » sur l’acquisition du langage où la notion de besoin joue un rôle absolument central et dont la linguistique moderne a souligné certains traits remarquablement pertinents[21].
En s’inspirant de Condillac, Itard va choisir un « objet du besoin » qu’il juge – à juste titre sans doute – nécessaire à l’enfant pour appaiser sa soif ; en plus, l’objet en question est désigné par le son que l’enfant aime le mieux : l’eau. Pourtant, quoi qu’Itard fasse, Victor n’arrive pas à prononcer le mot.
En vain, aux moments où sa soif était ardente, je tenais devant lui un vase rempli d’eau, en criant fréquemment eau, eau ; […] le malhereux se tourmenait dans tous les sens, agitait ses bras autour du vase d’une manière presque convulsive, rendait une espèce de sifflement et n’articulait aucun son. Il y aurait eu de l’inhumanité d’insister davantage[22].
Itard change de stratégie : il ne va plus faire appel au besoin mais plutôt au plaisir. Le deuxième objet choisi, c’est la boisson privilégiée de Victor – le lait. Et cette fois-ci, Itard réussit.
Le quatrième jour de ce second essai je réussis au gré de mes désirs, et j’entendis Victor prononcer distinctement, d’une manière un peu rude à la vérité, le mot lait qu’il répéta presque aussitôt. C’était la première fois qu’il sortait de sa bouche un son articulé, et je ne l’entendis pas sans la plus vive satisfaction[23].
Pourtant, il va arriver une chose remarquable : malgré ce premier succès, Itard est très déçu et abandonne ce procédé en son entier. C’est ce passage étrangement illogique qui a frappé quasiment tous les lecteurs du Rapport et a donné lieu à de nombreux commentaires : la raison de la déception d’Itard, c’est le fait que Victor ne prononce pas le mot comme il faut. Il ne s’agit, pourtant, d’aucune faute de prononciation au sens propre du terme mais plutôt de la temporalité : Victor prononce le mot après avoir obtenu ce qu’il désire, et non pas avant. Bref, Itard en arrive à supposer que le mot prononcé n’est pas le signe du besoin, d’une privation qu’il faudrait remplir, mais de la joie. Ce qui désespère Itard, c’est que le mot lait, tel qu’il est proféré par Victor, se situe dans le registre de ce que Lacan, dans ses séminaires tardifs, va appeller la langue, à savoir la langue en tant que véhicule de la jouissance.
Si ce mot fut sorti de sa bouche avant la concession de la chose désirée, c’en était fait ; le véritable usage de la parole était saisi par Victor ; un point de communication s’établissait entre lui et moi, et les progrès les plus rapides découlaient de ce premier succès. Au lieu de tout cela, je ne venais d’obtenir qu’une expression, insignifiante pour lui et inutile pour nous, du plaisir qu’il ressentait. À la rigueur, c’était bien un signe vocal, le signe de la possession de la chose[24].
Aujourd’hui, un tel renoncement peut nous paraître extrêmement bizarre. Victor a bien prononcé le mot mais il n’a pas saisi « le véritable usage de la parole » ; Itard croit dur comme fer que le langage est et doit être l’expression des besoins – ce n’est que comme tel qu’il peut devenir le porteur de la signification. En élevant la théorie condillacienne de l’origine du langage – une théorie qui ne manque pas de génie mais qui reste justement une théorie – au statut d’une vérité valable une fois pour toutes, Itard en fait un précepte pratique, auquel le pauvre Victor refuse de se conformer.
Aujourd’hui, dans la lumière de ce que nous savons sur le lien étroit entre le langage et l’affectivité[25], une telle obstination peut nous paraître incompréhensible. Le psychanalyste Octave Mannoni, dans son essai intitulé « Itard et son sauvage », nous présente un beau commentaire de ce passage du Rapport. Selon Mannoni, Itard ignore complètement la relation entre le désir et le langage, il crée un monde « biologique et utilitaire », où « le langage est un moyen de communication destiné à faire connaître d’abord les besoins […] on est tenté de parodier Itard et de dire : si, sans idées préconçues, Itard avait su écouter Victor, c’en était fait : la véritable nature de la parole était saisie par lui[26] ». Et Mannoni, nous semble-t-il, a complètement raison de parler de certains mythes pédagogiques liés à de tels procédés – l’enfant est tout simplement un écran où l’éducateur projette ses fantasmes[27].
Victor n’a jamais appris à parler. Après plusieurs années d’éducation, Itard abandonne entièrement son projet et Victor finit ses jours dans des conditions plutôt déplorables[28].
Une question se pose : Victor aurait-il appris à parler sous des conditions différentes ? Ici, bien sûr, on ne peut présenter que des conjectures. Pourtant, trois réponses spéculatives semblent possibles. 1) On peut avancer que la méthode éducative utilisée par Itard était, dans son essence même, mal conçue : il s’agissait d’une méthode analytique, c’est-à-dire fondée sur l’apprentissage des mots individuels et isolés, tandis que l’essence du langage réside dans les rapports, dans la syntaxe. 2) On peut soutenir – et ceci semble la réponse la plus pertinente – que Victor avait déjà franchi ce qu’on a proposé d’appeller « le seuil critique » de l’apprentissage du langage : après avoir dépassé un certain âge, l’être humain, d’après certains linguistes, n’est plus capable d’apprendre le langage de manière « normale[29] ». Un cas plus récent d’un enfant sauvage – une fille trouvée à Los Angeles au début des années 70 et connue sous le nom de Genie – semble confirmer cette hypothèse : Genie, non plus, n’a jamais appris à « parler » au sens propre du mot ; son lexique était considérable, mais les enoncés qu’elle produisait manquaient, pour une large part, de grammaire fixe (elle était incapable de produire les phrases emboîtées, par exemple[30]). 3) Pinel et plus tard Lévi-Strauss pouvaient avoir raison : Victor a souffert d’un désordre mental congénital ou d’une forme d’autisme qui l’empêchaient d’apprendre à parler. Ceci pourrait également expliquer certains symptômes qu’il a parfois manifestés – des accès de colère, des changements d’humeur, etc[31]. Le problème, bien sûr, c’est qu’une telle conjecture reste invérifiable : qui peut déterminer avec certitude si ces symptômes ont précédé la période de son isolation ou bien en représentent l’effet ? En plus, comme nous l’avons déjà souligné plus haut, plusieurs enfants sauvages (y compris Genie) ont manifesté les même symptômes et il est fort peu probable qu’ils souffriraient de la même maladie mentale se manifestant sous une même forme.
Ceci mène le linguiste et psychologue américain Harlan Lane à constater que le jugement original d’Itard – à savoir les symptômes de Victor, son mutisme, son insensibilité à la température, etc. – est essentiellement correct : Victor, et les autres enfants sauvages avec lui, n’avait pas souffert de l’autisme, d’une psychose, ou d’une retardation dès sa naissance :
Victor’s symptoms, then, including his mutism, may overlap with those of congenital retardation or autism, but are explaines by neither; instead they are the results of his long isolation in the wild, as Itard mintained all along[32].
Bref, selon Lane, Itard avait raison contre Lévi-Strauss.
Revenons, pour terminer, à notre question initiale : qu’est-ce que le phénomène des enfants sauvages – un phénomène naturellement et nécessairement entouré d’hypothèses, de mystères et de spéculations – peut nous dire sur la nature humaine et sur son rapport à l’animalité ? Avons-nous simplement, comme l’a dit Lévi-Strauss, une curiosité de la culture ? En un sens, oui. Mais cette curiosité peut nous apprendre – ne soit-ce que par une certaine via negativa – quand même quelque chose. Il est fort clair que les enfants sauvages que nous rencontrons de temps à autre ne sont pas des êtres simplement « privés » de culture qui nous feraient découvrir une nature perdue, ou bien une pensée à l’état naissant (Lévi-Strauss avait complètement raison de récuser une telle idée). Bref, l’affirmation selon laquelle il s’agirait d’une nature avant la culture est évidemment fausse. Encore moins s’agit-il d’un état transitoire entre l’homme et l’animal, comme certains avaient l’air de le croire. Et si les enfants sauvages ont joué un rôle non négligeable dans les débats sur l’humanité dans leurs (non)rapports avec l’animalité, c’est justement pour démontrer quelque chose de fondamental concernant la soi-disant différence anthropologique : l’homme n’est pas un animal plus le langage (ou la culture) qui, pour ainsi dire, se superposerait à ce qu’il y a de « naturel » en lui, mais un mélange où le naturel et le culturel, le signifiant et le non-signifiant ne précèdent pas l’un l’autre, mais naissent ensemble et coexistent depuis le début. Itard, tout au début de son premier Rapport, n’a pas dit autre chose.
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ROUSSEAU, J.-J. : Émile ou de l’éducation. Paris : Flammarion, 2009.
[1]) Le texte est publié dans le cadre du projet « Život a prostředí. Fenomenologické vztahy mezi subjektem a přirozeným světem », financé par GA CR, No. P401 15-10832S.
[2]) En témoigne la célèbre « question de Molyneux », traitée par Locke, Condillac, Diderot et d’autres : un aveugle-né qui deviendrait soudain capable de voir, serait-il en mesure de percevoir la perspective ?
[3]) L’idée du « premier homme » apparaît chez Buffon, Diderot et Rousseau. Buffon en donne la description suivante : « J’imagine donc un homme tel qu’on peut croire qu’était le premier homme au moment de la création, c’est-à-dire, un homme dont le corps et les organes seraient parfaitement formés, mais qui s’éveillerait tout neuf pour lui-même et pour tout ce qui l’environne. Quels seraient ses premiers mouvements, ses premières sensations, ses premiers jugements ? Si cet homme voulait nous faire l’histoire de ses premières pensées, qu’aurait-il à nous dire ? ». BUFFON, G.-L. : De l’homme, cité in CONDILLAC, E. B. : Traité des animaux. M. Malherbe (éd.). Paris : Vrin, 2004, p. 219. Et Rousseau de rétorquer : « Supposons qu’un enfant eût à sa naissance la stature et la force d’un homme fait, qu’il sortît, pour ainsi dire, tout armé du sein de sa mère, comme Pallas sortit du cerveau de Jupiter ; cet homme-enfant serait un parfait imbécile, un automate, une statue immobile et presque insensible ». ROUSSEAU, J.-J. : Émile ou de l’éducation. Paris : Flammarion, 2009, p. 82.
[4]) LÉVI-STRAUSS, C. : Les structures élémentaires de la parenté. Paris : PUF, 1949, p. 5.
[5]) Ibid.
[6]) Cette expression suggère le fait qu’il est inacceptable, pour les évidentes raisons éthiques, de « produire » les individus isolés de manière expérimentale.
[7]) LÉVI-STRAUSS, C. : Op. cit., p. 5.
[8]) Ibid.
[9]) Ibid., p. 6.
[10]) ROUSSEAU, J.-J. : Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. Disponible en ligne : https://eet.pixel-online.org/files/etranslation/original/Rousseau%20JJ%20Discours%20sur.pdf, p. 12.
[11]) Ibid., p. 56.
[12]) MALSON, L. : Les enfants sauvages. Paris : Bibliothèques 10/18, 2003, p. 63.
[13]) CONDILLAC, E. B. : Essai sur l’origine des connaissances humaines. Paris : Vrin, 2002, pp. 73-74.
[14]) Ibid., p. 77.
[15]) Pour ce qui concerne les détails de cette histoire, voir LANE, H. : The Wild Boy of Aveyron. Harvard : Harvard University Press, 1976, pp. 3-29.
[16]) ITARD, J.-M. : Mémoire sur les premiers développements de Victor de l’Aveyron (1801). In MALSON, L. : Les enfants sauvages. Paris : Bibliothèques 10/18, 2003, pp. 135-136.
[17]) Ibid., p. 127
[18]) Ibid., pp. 139-140.
[19]) Ibid., p. 148.
[20]) Ibid., p. 163.
[21]) Faute de temps que nécessiterait un commentaire long de ce passage, nous nous limiterons à le citer en son entier : « Mais je suppose que, quelque temps après le déluge, deux enfants, de l’un et de l’autre sexe, aient été égarés dans des déserts, avant qu’ils connussent l’usage d’aucun signe. […] la question est de savoir comment cette nation naissante s’est fait une langue. Quand ils vécurent ensemble, ils eurent occasion de donner plus d’exercice à ces premières opérations, parce que leur commerce réciproque leur fit attacher aux cris de chaque passion les perceptions dont ils étaient les signes naturels. Ils les accompagnaient ordinairement de quelque mouvement, de quelque geste ou de quelque action, dont l’expression était encore plus sensible. Par exemple, celui qui souffrait, parce qu’il était privé d’un objet que ses besoins lui rendaient nécessaire, ne s’en tenait pas à pousser des cris : il faisait des efforts pour l’obtenir, il agitait sa tête, ses bras, et toutes les parties de son corps. L’autre, ému à ce spectacle, fixait les yeux sur le même objet. » CONDILLAC, E. B. : Essai sur l’origine des connaissances humaines. Paris : Vrin, 2002, pp. 99-100. On sait bien qu’une telle vue de la naissance du langage a été vivement criquée par Rousseau dans son Essai sur l’origine des langues, où l’auteur émet l’hypothèse que l’origine des langues est à chercher non pas dans les besoins, mais dans les passions.
[22]) ITARD, J.-M. : Op. cit., p. 166.
[23]) Ibid., p. 166.
[24]) Ibid., p. 167.
[25]) C’est notamment la psychanalyse freudienne et lacanienne qui insiste sur ce rapport. Loin d’être un simple instrument de la communication, le langage est d’abord porteur d’une dimension affective du psychisme humain : en témoigne non seulement le langage enfantin, mais également certaines productions langagières chez les adultes (la poésie, les mots d’esprit, etc.).
[26]) MANNONI, O. : Itard et son sauvage. In MANNONI, O. : Clefs pour l’imaginaire ou l’autre scène. Paris : Seuil, 1969, p. 191.
[27]) On l’a souvent souligné à propos d’Émile de Rousseau, Adèle et Théodore de Mme de Genlis, Conversations d’Émilie de Mme d’Épinay et bien d’autres textes de l’époque. L’enfant est là pour simplement confirmer le succès du pédagogue qui rencontre rarement une résistance de la part de son élève (comme chez Rousseau), ou bien, si résistance il y a, elle est facilement vaincue. Sur ce sujet, voir DURAND, B. : Le paradoxe du bon maître. Essai sur l’autorité dans la fiction pédagogique des Lumières. Paris : Harmattan, 1999.
[28]) Dans L’enfant sauvage, le beau film de François Truffaut, la manière dont Victor avait fini ses jours est passée sous silence.
[29]) L’hypothèse du seuil critique est avancée, pour la première fois, par LENNEBERG, E. : Biological Foundations of language. New York : John Wiley and Sons, 1967.
[30]) Sur Genie, cf. CURTISS, S. : Genie. A Psycholinguistic Study of a Modern Day „Wild Child“. Boston : Academic Press, 1977.
[31]) Itard ne manque pas de les mentionner plusieurs fois : « Quelques fois, au lieu de ces mouvements joyeux, c’était une espèce de rage frénétique ; il se tordait les bras, s’appliquait les poings formés sur les yeux, faisait entendre des grincements des dents et devenait dangereux pour ceux qui étaient auprès de lui. » ITARD, J.-M. : Mémoire sur les premiers développements de Victor de l’Aveyron (1801). In MALSON, L. : Les enfants sauvages. Paris : Bibliothèques 10/18, 2003, p. 143.
[32]) LANE, H. : The Wild Boy of Aveyron. Harvard : Harvard University Press, 1976, p. 179. « Les symptômes de Victor, y compris son mutisme, peuvent coïncider avec ceux du retard mental ou de l’autisme, mais ne sont expliqués ni par l’un ni par l’autre ; ils sont le résultat d’une longue isolation dans la forêt, tout comme Itard avait proclamé dès le début. »
Josef Fulka
Université Charles
Faculté des Humanités
Module philosophique
U Kříže 8, 150 00 Prague