Vrančić, F.: La poésie d’inspiration marxiste dans l’œuvre poétique d’Aimé Césaire. In: Ostium, roč. 14, 2018, č. 3.
Marxism-inspired poetry in Aimé Césaireʼs poetic work
The purpose of this paper is to examine Césaireʼs dismissed poems, written between 1948 and 1950, the time when „Mandela of the Caribbean“ was a convinced communist. Firstly, we observe conditions of his membership in PCF and the role he played in the most communist party in the West. Secondly, we will try to explain how the influence of „socialist realism“ is being manifested in his seven Stalinist poems, both in their genesis and their expression. Eventually, on the basis of the works of renowned Caesarists, we shall evoke his disagreement on national poetry with Aragon, the forerunner of his brilliant resignation in 1956, and highlight the circumstances which led him not only to leave the Party, but also to disavow his Communist-Leninist-inspired pieces of his complete works edition.
Keywords: Colonialism, communism, imperialism, racism, revolt, feedom
Tous les biographes de l’œuvre césairienne s’accordent à dire que le poète franco-martiniquais était un membre éminent du Parti communiste français et de la Fédération communiste de Martinique. Par contre, ce qui est beaucoup moins connu au grand public, ce sont les conditions de cette adhésion, le rôle qu’a joué l’auteur de Cahier d’un retour au pays natal au PCF, son désaccord avec la dictature poétique de Louis Aragon, annonciateur de sa démission retentissante, et ses sept « écrits de circonstance », qui n’ont pas jusqu’à présent fait l’objet d’une étude approfondie. Le fait que Césaire se soit montré très discret sur son compagnonnage au PCF, le premier parti de France au lendemain du second conflit mondial, est d’autant plus surprenant qu’il n’était pas avare de détails sur sa vie d’homme politique. Toutefois, jusqu’à la publication récente de l’ouvrage de David Alliot Le communisme est à l’ordre du jour. Aimé Césaire et le PCF, paru chez Pierre-Guillaume de Roux en 2013, rares étaient des œuvres critiques publiées sur son engagement au Parti de Maurice Thorez. C’est justement pourquoi, pour mener à bien notre travail, il nous semble indispensable d’expliciter le contexte dans lequel le chantre de la négritude a adhéré aux Jeunesses communistes de France et au PCF, ce qui nous aidera à démontrer l’importance de l’influence de la doxa communiste sur sa création littéraire d’après-guerre et à mieux comprendre les raisons de sa profonde déception face aux révélations du Rapport Khrouchtchev et aux soubresauts des événements de Pologne et de Hongrie qui ont poussé cet humaniste hors-pair à claquer la porte du Parti et à renier ses pièces en vers d’inspiration stalinienne.
Le « grand cri nègre » au PCF
Pour dire la vérité, dès son arrivée à la prestigieuse École normale supérieure, où existait déjà un groupe très soudé des Jeunesses communistes, les thématiques du PCF commencent à trouver un écho favorable auprès du poète-politique comme la lutte contre la minorité capitaliste et le grand patronat, le fascisme, l’impérialisme, le colonialisme et le racisme. Au contact des jeunes étudiants noirs francophones, le ressortissant nécessiteux de l’Empire colonial français se rend compte que dans un monde entièrement racialisé où persiste l’exploitation de l’homme par l’homme, le PCF incarne la volonté de travailler à l’avènement du seul ordre social et politique que les populations colonisées puissent accepter – puisque fondé sur le droit à la dignité de tous les humains sans distinction d’origine, de race ou de religion. Rien d’étonnant donc à ce que, dans cet univers afro-antillais, surréaliste et marxisant, le jeune intellectuel adhère à la « Cellule de l’École normale » dès 1935 et, par la suite, au PCF puisque les Jeunesses communistes avaient le même fondement idéologique. Pour preuve, son Questionnaire biographique, conservé aux archives du PCF et auxquels devaient se soumettre tous les cadres du Parti, qui affirme qu’il a milité pour le Parti dix ans avant son adhésion formelle. Comme l’a dit avec justesse le poète-président sénégalais Léopold Sédar Senghor[1], son condisciple du lycée Louis-le-Grand, le jeune Martiniquais s’est passionné pour les prises de positions du Parti contre le colonialisme et le racisme dès son entrée à « Ulm ». On le cite longuement :
[…] en vérité, dès notre arrivée en Europe, nous avions subi la propagande du Marxisme. Quelques étudiants noirs – des Antillais surtout – avaient succombé à sa séduction. Et ils essayaient, à leur tour, de nous séduire. Et ils nous présentaient le Socialisme scientifique comme la solution définitive de nos problèmes, tous nos problèmes. Sous le couvert de la démocratie parlementaire, nous prêchaient-ils, une minorité de « bourgeois » tenaient, dans leurs mains, les leviers du pouvoir et de la richesse. […] La solution du problème était claire. Il s’agissait, pour nous, de rejoindre l’armée du Prolétariat, de militer dans ses rangs. Une fois renversé le système capitaliste et remise aux travailleurs la propriété des moyens de production, les colonisés que nous étions seraient, du même coup, dé-colonisés, dés-aliénés.[2]
Outre ses condisciples d’obédience marxiste, il convient de souligner à cet égard que le contexte politique à l’étranger favorise aussi l’adhésion de Césaire au Parti. La montée en puissance des fascismes en Italie et en Espagne, l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler en Allemagne, l’annexion de l’Autriche au Troisième Reich et le démantèlement de la Tchécoslovaquie suscitent de vives inquiétudes auprès de nombreux étudiants de l’ENS qui, à leur tour, voient en l’URSS non seulement le pays prônant la paix et le désarmement, mais aussi et surtout la seule puissance capable de tenir tête à la puissante machine de guerre nazie. Qui plus est, après la Libération, la popularité du Parti en France métropolitaine atteint son plus haut niveau malgré le fait que les communistes ne rentrent en résistance qu’en juin 1941, lors de la rupture du pacte de non-agression germano-soviétique et le déclenchement des hostilités sur Front de l’Est, presque une année après l’appel de Londres du général de Gaulle. Or, les combats du PCF contre les inégalités sociales et toutes les formes de colonialisme et de racisme, ses luttes pour l’instruction publique pour tous sont d’une actualité brûlante dans les années qui suivent la guerre. De plus, son rôle actif dans la Résistance, ses innombrables héros et martyrs comme Henri Rol-Tanguy, Gabriel Péri ou Missak Manouchian, le sacrifice des centaines de milliers de soldats soviétiques à Stalingrad et Léningrad ainsi que le rôle de Staline dans la victoire contre l’Allemagne nazie font du Parti thorézien la première formation politique de France. À l’instar de la majorité d’intellectuels de gauche, Césaire lui aussi adhère à son corpus idéologique dans l’immédiat de l’après-guerre bien qu’il ne soit pas encore encarté au Parti. Cependant, le premier vote libre depuis l’Occupation change complètement cette donne. Les électeurs et les électrices de la circonscription de la Martinique sont convoqués pour les élections municipales qui doivent se tenir le 27 mai 1945. La Fédération communiste de Martinique cherche un leader en vue de remporter la mairie de Fort-de-France. Comme le stipule le fin connaisseur de l’œuvre césairienne David Alliot, « il fallait aux communistes de Martinique un candidat capable de synthétiser les aspirations de l’ensemble de la population et d’apporter un sang neuf dans le paysage politique martiniquais sans avoir été compromis. Ils ne sont pas nombreux à répondre à ces critères »[3]. Approché par ses amis communistes Pierre Aliker et René Ménil qui pensent que la candidature du jeune enseignant serait un atout majeur pour les « bolcheviks », il accepte d’être en tête de liste aux municipales. Le jour du scrutin, le résultat est sans appel. Les partis traditionnels sont rayés de la carte électorale. Le candidat des socialistes Joseph Lagrosillière, ancien député martiniquais, et Victor Sévère, candidat de la droite républicaine et opposant au régime de Vichy, sont sévèrement battus dans les urnes. Les plus grandes villes de la Martinique tombent entre les mains des communistes et Césaire est élu maire de Fort-de-France. Dans les mois à venir, les législatives confirment ce tsunami électoral et le peuple de la Martinique envoie le jeune Normalien siéger au Palais-Bourbon. Comme l’a bien dit Alliot, « l’espoir d’un avenir meilleur porte désormais un nom : Aimé Césaire »[4].
Devenu maire-député de Fort-de-France, Césaire est un élu du Parti auquel le poète foyalais est précieux, étant donné que les dirigeants de la Kominform veulent exporter la révolution prolétarienne en Amérique latine et dans les Caraïbes. Ainsi, dans leur esprit, cet îlot communiste dans l’océan capitaliste devrait se transformer en une redoutable tête de pont idéologique, pour paraphraser Alliot. Outre cela, l’investiture de Césaire témoigne de l’antiracisme officiel du Parti et ses origines paysannes sont également un atout pour le Parti qui cherche à mettre en avant les intellectuels « au service du peuple ». Césaire en profite pleinement car il intervient régulièrement dans les médias pour défendre les intérêts des Martiniquais et des habitants de l’Union française. Comme l’a si bien dit Alliot, « ses talents d’orateur, son âpreté au combat, et son sens de la repartie font merveille à l’Assemblée nationale, quand il s’agit par exemple de faire voter la loi de départementalisation des veilles colonies »[5]. Pendant onze ans[6], il siège dans l’hémicycle comme député communiste, ce qui aura indubitablement un gros impact sur son processus de création littéraire. Pour s’en convaincre, il suffit de lire la première version de son Discours sur le colonialisme (1950) où il démonte implacablement le pacte colonial et l’impérialisme étasunien, tout en préconisant la Révolution qui mettra un terme à la colonisation et permettra la libération de la classe ouvrière. Soulignons encore à ce propos que l’après-guerre est également une période d’extrême tension où la convergence idéologique entre la ligne officielle du Parti et Césaire est totale, étant donné que le Parti soutient activement la lutte révolutionnaire des peuples coloniaux contre les puissances colonisatrices et le pouvoir du capital mondial, notamment en Indochine française[7]. En témoignent sa participation au meeting de Protestation contre la répression sanglante dans les colonies (Paris, Mutualité, 5 juin 1947), son article consacré à la dénonciation du colonialisme capitaliste, Le colonialisme n’est pas mort, paru dans le numéro spécial de la revue du marxisme militant La Nouvelle Critique, ainsi que son intervention au XIIIe congrès du PCF (Ivry, juin 1954).
Cela dit, au pic de la Guerre froide et de la dénonciation de la « sale guerre d’Indochine » impulsée par le PCF, chacun doit choisir son camp. Et Césaire choisit le sien sans tergiverser. Dès lors, il met sa plume au service de ses camarades du Parti en écrivant plusieurs pièces en vers à la gloire du « réalisme soviétique ». Deux de ses poèmes thématisent le contexte social explosif en Martinique suite au vote de la célèbre loi sur la départementalisation des « Quatre Vieilles » (la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion et la Guyane), dont la promulgation a suscité un immense espoir dans la population. Or il n’en sera rien puisque, après la sortie du PCF du gouvernement en 1947, la nouvelle majorité au Palais-Bourbon se donne pour tâche de contrecarrer les actions politiques des communistes. La politique répressive ne fait qu’aggraver la situation. Pire encore, sur ordre du préfet martiniquais Pierre Trouillé, lors d’une manifestation en faveur d’augmentation du salaire au Carbet, les gendarmes tirent à balles réelles sur la foule et tuent trois des grévistes, André Jacques, Henri Jacques et Mathurin Dalin. Après ces événements tragiques, Césaire laisse éclater son amertume et sa colère dans son premier poème d’inspiration communiste, Pour un gréviste assassiné, paru dans Justice le 15 août 1948. En dénonçant avec virulence la brutalité de la répression des forces de l’ordre, Césaire veut mettre au grand jour le rôle néfaste du préfet dans le triple meurtre des manifestants du Carbet et rendre un hommage appuyé aux martyrs de la lutte contre le colonialisme français :
Le préfet lui a donné plomb poudre et paumes cendreuses
et ri et soufflé comme un rat dans la plaie d’un cadavre
André JACQUES André JACQUES
le ministre le gendarme le patron le préfet ont fourré dans ta
bouche dans l’élan de ta confiance]
dans la lassitude de ta faim
un grand trou de vent de poussière et le préfet a ri et a soufflé
comme un rat][8]
La deuxième de ces pièces destinées aux masses populaires et laborieuses du Parti, Dans les boues de l’avenir nous avançons notre chemin, est de la même veine, sauf que cette fois-ci, Césaire n’hésite pas à s’en prendre ouvertement à Trouillé, ancien préfet de Tulle (Corrèze) décoré de la croix de guerre à la Libération pour s’être opposé au fusillement de blessés de la Wehrmacht par les maquisards et avoir ainsi épargné la vie des centaines de Tullistes. Fou de rage, le poète-député de Fort-de-France ne mâche pas ses mots à l’encontre du préfet pour qui tous les moyens sont bons quand il s’agit de protéger les intérêts békés, quitte à réprimer dans le sang le mouvement de contestation sociale, ce qui, au lieu de lui valoir un rappel, lui vaut récompenses et honneurs de la République[9] :
préfet
dans le rire du vent
dans les yeux des enfants
on voit trembler tes mains de sang
nous avançons sur le chemin
germez fruits germez et pavoisez soleils
à travers les rayures mille et une
au ciel comme sur la terre notre volonté
bourreaux dans les nuits de l’avenir
nous avançons notre chemin.[10]
Dans le droit fil de son engagement au PCF, Césaire écrit son troisième poème intitulé Varsovie, paru en septembre 1948 dans la revue Action, après sa participation au Congrès mondial des intellectuels pour la paix de Wroclaw. Dans un monde bipolaire, ces congrès institués par le Kominform avaient pour but de mobiliser les masses des travailleurs et des intellectuels autour d’un thème rassembleur. Si l’on en croit Alliot, « nombre d’entre eux n’aboutiront qu’à des déclarations généreuses, mais vides de sens politique. Leur intérêt n’était pas là. Pour les hiérarques du Parti Communiste d’Union soviétique, ils servaient à souder les intellectuels des différents pays sous l’égide du communisme, et, plus prosaïquement, à faire une démonstration de force en mobilisant de nombreux militants »[11]. La paix étant devenue le nouvel outil idéologique du PCUS, toute habileté de sa propagande consistait à dépeindre le camp occidental pro-américain comme fauteur de guerres et l’URSS comme champion mondial de la paix. Les sujets abordés par les intellectuels au service de la Révolution bolchévique à Wroclaw ont tout pour séduire le jeune poète martiniquais, notamment la nocivité du capitalisme sauvage, les ravages du colonialisme occidental ou bien la suprématie globale américaine. Césaire y prononce un discours mémorable dans lequel il annonce déjà son Discours sur le colonialisme, ce qui prouve qu’il persiste dans sa façon de penser et de faire. Car, il croit déjà pouvoir dire que les pays occidentaux ne seront pas guéris de l’hitlérisme tant qu’ils ne seront pas guéris de tout ce qui engendre le national-socialisme, à savoir le capitalisme internationaliste qui joue sur tout ce qui divise les humains pour s’imposer durablement comme système économique mondial. « Citant Joseph de Maistre et Ernest Renan à l’appui de sa thèse, Césaire estime que la bourgeoisie du XIXe siècle a soutenu le colonialisme, en opposition avec les idées de Montaigne au XVIe siècle et de celles de Montesquieu, Voltaire, Diderot et Condorcet au XVIIIe. Il présente le nazisme comme la conséquence de cette idéologie pro coloniale et capitaliste »[12]. Du coup, il n’est pas étonnant d’entendre le grand poète antiraciste chanter les louanges de la Russie soviétique puisque dans la « patrie du socialisme » vivent et gagnent leur pain des millions d’hommes et de femmes de races et de cultures diverses. Lors de son séjour polonais, des visites de Wroclaw et de Varsovie, deux villes réduites en cendres par la haine que nourrissait Hitler envers les Slaves et les Juifs, et du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau sont également au programme de la délégation française. L’étendue des destructions du centre historique de Wroclaw et la visite du ghetto de Varsovie frappent Césaire au point qu’elles lui fournissent la thématique de Varsovie, poème qui porte témoignage de l’expérience effroyable de la guerre et de l’héroïque résistance du peuple polonais et des Juifs du ghetto de Varsovie. Stupéfait par la brutalité nazie, Césaire admire le courage et l’obstination dont les Varsoviens ont fait montre pendant la guerre en leur rendant un vibrant hommage en ces termes :
Ici la brique est le ricanement du mal
briques sur les rues dispersées
briques sur les juifs massacrés
briques briques briques
fers tordus moignons nus rats sas tas sur tas
linceul
ici la brique est la syllabe la plus simple du cauchemar
ici la brique s’emmêle à la brique comme le corps au cadavre
ici la brique est l’accumulation des jours frappés en plein soleil
et des lettres sans réponse
ici le raz de marée s’appelle brique
le buisson ardent s’appelle brique
brique l’éruption volcanique
brique le hoquet
brique la secousse sismique
brique les trois balles dans la peau
brique la vomissure du soldat.[13]
Frappé d’horreur à la vue de « ce qui reste d’un million d’humains calcinés par système, pour des raisons abstraites de race », Césaire imagine les derniers vers de Varsovie, comme l’ajoute le témoin de la genèse de cette pièce, l’écrivaine résistante et la future dissidente du PCF Dominique Desanti (de son vrai nom Anne Persky) dans son livre de souvenirs Nous avons choisi la paix paru chez Seghers en 1949 :
plus fort que l’ostensible mât blanc
le sabre de la sirène ou le trou du dragon
toute aile
jusqu’au lait qui nourrit la naissance méconnue d’un astre
LʼESPOIR
notre ESPOIR
moins fort seulement
que les prairies bleues où se balancent les yeux de tes enfants, POLOGNE
Et l’insolence tranquille des vastes tournesols.[14]
Et Césaire de terminer l’année 1948 avec la parution de Couleur du tonnerre, un poème publié dans Action et faisant référence à la répression sanglante de l’insurrection malgache[15] et à la guerre d’Indochine. Face à l’ampleur des crimes et l’étendue des atrocités commises par le Corps expéditionnaire lors de la révolte contre le système colonial français à Madagascar et au Tonkin, Césaire y attaque très violemment la politique coloniale de la IVe République qui disculpe le massacre colonial au nom de la mission civilisatrice de la France. C’est bien entendu sur ce fond de décolonisation qu’il faut lire ces vers de Couleur de tonnerre :
et tandis que mercenaires condottières tueurs
grandes bêtes tricoteuses d’un sang plus fertile que les
guanos de l’automne
tordent l’éboulis comme miaule un os hors de la jointure
œil tiens regarde au beau fixe de la mort
la noyée Indochine ses cheveux volubiles à l’endroit des rizières
Madagascar rauque
roue véhémente
le nom d’un sang qui cataracte selon les pales du supplice
Java sifflement simple d’une tête qui du premier coup
tombe
Sumatra
retentissement de décombre
Indochine le pli de l’eau ombreuse à la tempe plus lisse que le
temps des promesses][16]
Dans la même veine d’inspiration, après son retour du Congrès des intellectuels pour la paix et la culture en Roumanie[17], Césaire rédige son cinquième poème de facture stalinienne, La Guerre qu’ils veulent nous faire c’est la guerre au printemps, publié dans LʼHumanité du 27 avril 1949, où il fustige vigoureusement les hommes politiques occidentaux, ennemis de la classe ouvrière exploitée et de la paix. Fidèle à la ligne du Parti, Césaire prône ici la défense de la paix avant de dénoncer les liens qui unissent les dirigeants des pays colonisateurs avec le grand capital. Leurs politiques belliqueuses et l’exploitation des richesses naturelles du Continent noir lui inspirent le dégoût et la répugnance, d’où la mise en relation de la guerre atomique que préparent prétendument les États-Unis avec la tragédie de Hiroshima :
Ceci n’est pas un roman
La guerre qu’ils veulent nous faire, c’est la guerre au printemps
Il n’est ni jour ni nuit
Quand Baruch parle nouvelle voix d’ange
Ça fait un bruit d’Hiroshima
Dans les taudis d’Europe de l’Inde ou de la Chine
Il est clair qu’on est mort trop peu en ce printemps-ci
Pour que James Forrestal recouvre la raison
Brûlez en cierge Hiroshima
[…]
Hommes du crime, hommes des banques
un cœur qui bat dans une foule
Ceci n’est pas un roman
C’est vrai il vous faut compter avec nous
Mieux que la légion
nous sommes la foule
Foisonnement de peuples et leur grondement.[18]
Son sixième poème renié, Le Temps de la liberté, est dédié au RDA (Rassemblement démocratique africain), une formation politique panafricaine qui lutte pour les indépendances des pays francophones africains, alors proche du PCF. Composé à chaud, après la répression brutale dʼune grève à Dimbokro (Côte dʼIvoire) ayant fait 14 morts et 50 blessés, le texte sera publié dans LʼHumanité du 10 février 1950 et traduit en russe dans le journal Litératurnaïa gazeta du 15 mars de la même année. Ce poème lui tient à cœur car c’est la seule pièce parue dans la presse du Parti qui, après certaines modifications, soit retenue dans le recueil poétique Ferrements en 1960. Là encore sont dénoncés les suppôts du monde de la finance en Afrique coloniale, les gouverneurs et les banquiers cupides, responsables selon lui de la dépendance et de la misère dans laquelle les colonies sont tenues. Adepte d’une vision marxiste de la lutte anticoloniale, l’auteur du Discours sur le colonialisme exprime une nouvelle fois sa foi inébranlable en l’Afrique éternelle, tout en annonçant la grande vague de décolonisation qui ouvrira aux peuples colonisés les voies de l’indépendance :
Histoire je conte
L’Afrique qui a pour armes
ses points nus son antique sagesse sa raison toute nouvelle
Afrique tu n’as pas peur tu combats tu sais
mieux que tu n’as jamais su tu regardes
les yeux dans les yeux des gouverneurs de proie
des banquiers périssables
belle sous l’insulte Afrique et grande de ta haute conscience
et si certain le jour
quand au souffle des hommes les meilleurs aura disparu
la tsé-tsé colonialiste.[19]
Césaire récidive pour la dernière fois à l’occasion du cinquantième anniversaire du Secrétaire général du PCF, Maurice Thorez, dont le culte de la personnalité, comme celui de Staline, atteint des proportions démesurées après la guerre. Érigé en modèle de l’exemplarité militante, Thorez devient pour les adhérents du Parti l’objet d’une vénération sans limites en dépit de son séjour à Moscou durant toute la durée de la seconde tuerie mondiale. Dévoué corps et âme à la cause du communisme à l’apogée de la Guerre froide, Césaire participe également à ce culte idolâtre en louant sans réserve les vertus supposées de leur chef charismatique dans son poème Maurice Thorez parle, paru en avril 1950 dans L’Humanité, et, le mois suivant, à la une de Justice. En effet, ce « poème de circonstance », pour citer Césaire, illustre le mieux l’attachement de l’auteur martiniquais à la doxa communiste puisque il y présente le « Staline français » comme étant « le contrepoison aux poisons du mensonge » ou bien « oiseau tonnerre dans le ciel capitaliste tout terne » avant d’annoncer la naissance d’un monde meilleur, métamorphosé par la révolution prolétarienne : « LE COMMUNISME EST À L’ORDRE DU JOUR/communisme est à l’ordre même des jours/sang des martyrs – pollen leur lumière – Révolution leur bel/été »[20]. Romuald Fonkoua fait observer à juste titre que cette sacralisation de Thorez « témoigne néanmoins de l’intensité de son cheminement avec le parti communiste, du degré de compromission dont le poète a pu se rendre coupable – par fidélité aux idéaux du Parti et en toute bonne foi sans doute –, même s’il estimait encore, dans un entretien, peu avant sa mort, „être resté à distance, sur ses gardes“ »[21]. Enfin, pour montrer à quel point Césaire est inféodé au communisme stalinien dans cet immédiat après-guerre, il convient encore de rappeler qu’il se rend en pèlerinage à Moscou pendant les journées de deuil pour Staline. Dans la capitale soviétique, il écrit son texte à la gloire du « Petit père des peuples », La voix de la Martinique, publié dans l’équivalent russe des Lettres françaises, Il Litératournaïa gazéta, le 19 mars 1953, et dans lequel il proclame haut et fort sa foi et sa fidélité sans faille aux acquis de la Révolution d’Octobre :
Je suis originaire d’un petit pays qui souffre sous le joug du régime colonial. Mais j’ai visité l’Union soviétique, et je sais que la cause de la paix et de la libération nationale, la cause pour laquelle se bat le peuple de ma patrie et les peuples opprimés dans toutes les patries du monde, triomphera, car elle est indissolublement liée aux grandes idées de Lénine et de Staline.[22]
Il en va de même pour le peuple soviétique qu’il veut ériger en modèle de vertu pour tous les dominés du monde, assoiffés de justice sociale :
J’ai vu un grand peuple blessé au cœur même, mais empreint de la détermination à ne pas plier sous le coup atroce du destin. C’est un grand peuple amoureux de l’art, de la science, de la culture, un grand peuple occupé par le travail, par la gigantesque édification de la paix. C’est un grand peuple fier d’être actuellement le conservateur des plus grands trésors de la civilisation : liberté, égalité, pain et lumière pour tous. Un peuple qui sait que, sous toutes les circonstances, l’avenir lui appartient.[23]
La politique culturelle du PCF : la dictature poétique de Louis Aragon
Cependant, pour éviter les jugements anachroniques, il importe de garder à l’esprit que Césaire n’est pas le seul intellectuel à s’être fourvoyé dans le stalinisme puisque lʼaprès Seconde Guerre mondiale est une époque où l’intelligentsia rejoint le PCF en masse, comme le prouvent les adhésions des écrivains combattants comme Aragon ou Éluard mais aussi des artistes de renommée mondiale comme Picasso. Les intellectuels bienveillants envers l’URSS veulent intégrer les structures du Parti quoique les hauts responsables du Parti ressentent toujours une grande méfiance envers artistes et intellectuels. Même après la publication des livres de Céline (Mea culpa) et de Gide (Retour dʼURSS), ouvrages qui portent témoignage sur les ravages du bolchevisme en Russie communiste, leur fascination pour l’Union soviétique reste intacte. Parti qui a payé un lourd tribut à la libération du territoire national, parti du progrès social et des idéaux hérités du siècle des Lumières, son prestige est immense en métropole. Il n’empêche que les dirigeants du PCF, obéissant aveuglement aux ordres de Moscou, prennent la décision d’encadrer ces libres-penseurs qui grossissent leurs rangs. Pour ce faire, ils nommeront Aragon à la tête de Direction nationale des intellectuels, qui aura pour tâche d’organiser les amicales d’intellectuels et de fonctionnaires. Comme nous le rappelle Alliot, « le choix d’Aragon n’est pas anodin. En 1944-1945, son magistère littéraire au sein du Parti est considérable. Ancien surréaliste, il a rompu avec André Breton peu après sa participation au Congrès de Khrakov en 1930. Depuis cette date, l’auteur du Con d’Irène oriente sa création littéraire vers un réalisme socialiste à la gloire de son Parti »[24]. Au surplus, suite à la publication du rapport dʼAndreï Jdanov au mois d’août 1948, les partis communistes en Europe occidentale et centrale doivent impérativement appliquer à la lettre les directives prescrites dans leurs relations avec les intellectuels qui, à leur tour, sont obligés de « soumettre leur activité au Parti communiste et placer leur création sous le signe d’un „réalisme socialiste“, compréhensible par les „masses populaires“ »[25]. L’un des plus longs compagnons de route de Staline et son délégué aux questions culturelles exige des auteurs soviétiques qu’ils se consacrent exclusivement à l’édification du « paradis socialiste ». Selon lui, la littérature des pays occidentaux serait décadente, tout comme le capitalisme mondial qu’elle reflète, puisque la littérature reste toujours un reflet de la société. Le rapport de Jdanov proscrit ainsi le roman bourgeois, le roman policier, le roman sentimental et les œuvres surréalistes. Dans le collimateur de Jdanov, on trouve également le cosmopolitisme, c’est-à-dire le Juif car selon les communistes les Juifs seraient des suppôts de premier ordre du capitalisme débridé et dirigeraient le monde de la finance. Désormais, la reprise en main du Parti est totale ce qui signifie que les auteurs et artistes des partis frères doivent eux aussi rendre compte de leurs activités à leurs Comités centraux respectifs. Profondément convaincu qu’un « Homme nouveau » vient de naître en URSS et que la France va résoudre les problèmes de la précarité et des inégalités sociales comme la Russie stalinienne vient de résoudre les siennes, Aragon veut lui aussi contribuer au dépassement de l’homme par l’homme et à la marche en avant de la société française. Marqué par le jdanovisme et empreint d’idéalisme pour le prolétariat, l’auteur du « Paysan de Paris » exige lui aussi que les œuvres des écrivains communistes français reflètent la marche de l’humanité vers le socialisme. En plaçant ses espoirs de justice sociale dans la révolution prolétarienne, Aragon est favorable à la nouvelle ligne culturelle du Parti, ainsi qu’en attestent ses nombreuses interventions dans les programmes des maisons d’éditions sous le contrôle du PCF. Comme l’a souligné avec beaucoup de perspicacité Alain Ruscio, « le PCF de cette époque ne plaisante ni avec l’orthodoxie doctrinale – c’est l’ère de l’hégémonie stalinienne –, ni avec la discipline. L’époque n’est pas aux nuances. „L’Homme communiste“, pour reprendre une formule célèbre d’Aragon, est tout d’un bloc »[26]. C’est d’ailleurs sans doute son attachement inconditionnel à l’URSS et cette loyauté envers la nouvelle politique culturelle du Parti qui va permettre à Aragon de connaître une ascension fulgurante au sein de la hiérarchie communiste.
Vers la sortie du PCF
Toutefois, afin que nous puissions expliquer les raisons pour lesquelles Césaire a présenté sa démission au Parti et renié ses poèmes staliniens, un retour sur sa querelle avec Aragon sur le rôle de la poésie s’impose. Car, à bien des égards, cette querelle annonce d’ores et déjà l’émancipation future du poète-député martiniquais. En effet, pour comprendre les causes de cette mésentente, il nous faut revenir au débat sur le rôle de la poésie dans la Révolution Socialiste d’Octobre en URSS, un débat qui aura une immense influence sur le débat sur la poésie française d’après-guerre et sur les conceptions littéraires de ces deux auteurs. Alliot écrit à ce propos :
[…] pour lʼhomo sovieticus qui était en train d’émerger, la poésie devait se mettre au service de la Révolution prolétarienne en adoptant une esthétique réaliste, exaltant les vertus indispensables aux révolutionnaires. Tout autre forme de poésie est qualifiée de bourgeoise ou de réactionnaire, et doit être rejetée par les partis communistes européens. Dans la ligne de mire de Moscou, le Surréalisme, dont les membres sont considérés comme des « petits-bourgeois décadents ». La querelle sera définitivement tranchée lors du Congrès de Kharkov, en 1930, auquel participe Aragon. Visiblement séduit par cette manière de concevoir la poésie, c’est à la suite de ce voyage que l’auteur dʼAurélien rompra avec le mouvement surréaliste.[27]
Autrement dit, au-delà de leur origine sociale différente et de leur passé surréaliste commun[28], l’opposition fondamentale entre les deux littérateurs semble venir de leurs conceptions antagonistes de la poésie. Pour l’auteur du Paysan de Paris, poésie et politique doivent faire un, tandis que dans l’esprit de Césaire, la littérature doit rester libre et ne doit surtout pas être soumise à « aucun diktat politique, aussi estimable qu’il puisse être »[29]. Ce n’est donc pas une surprise en soi si dans l’après-guerre les relations se grincent entre Aragon et Césaire. Tout en prônant la soumission de la poésie aux idéaux marxistes, le régent de la politique culturelle du Parti cherche à promouvoir une nouvelle forme de création littéraire qui succéderait aux mouvements poétiques d’avant-guerre ayant causé les compromis idéologiques et la défaite militaire de mai-juin 1940. En conséquence, Aragon et ses adeptes se font les champions de la soumission de l’esthétique poétique à la gloire de la révolution bolchévique, ce qui est inacceptable pour un esprit libre comme Césaire. L’écrivain martiniquais commence alors une réflexion sur son rôle de poète dans un parti dont la politique culturelle lui pèse de plus en plus. Outre ces considérations d’ordre esthétique, il a également de plus en plus de mal à supporter une certaine condescendance colonialiste des dirigeants du Parti envers les pays du tiers-monde. C’est dire que le conflit entre les deux conceptions de la littérature s’annonce déjà explosif et quand il survient en 1955, il déborde largement le cadre du Parti thorézien. Le Casus Belli ne tarde pas à venir. C’est une lettre personnelle, envoyée par René Depestre à Charles Dobzynski, dans laquelle le poète haïtien annonce son ralliement à la théorie de la poésie nationale d’Aragon, qui servira à Césaire de prétexte pour régler ses comptes avec le dandy stalinien. Obsédé par son combat contre Le Figaro littéraire en vue du contrôle symbolique du champ littéraire français métropolitain, Aragon publie cette lettre dans les colonnes des Lettres françaises du 16 juin 1955, sans l’accord de Depestre. Son seul but : amener les écrivains des Antilles et des pays d’Afrique francophone à ses vues et contrer le prestige personnel de Césaire. La lecture de la « Lettre à Charles Dobzynski » met Césaire en colère d’autant plus que son ami communiste Depestre, qui n’a jamais tari d’éloges sur la poésie du poète-député foyalais et dont il a suivi des conférences à Port-au-Prince en 1944, n’arrive pas à éluder la place que devrait occuper la littérature nègre dans une poésie de langue française. Comme l’a fort brillamment fait remarquer l’un des plus grands exégètes de l’œuvre césairienne Romuald Fonkoua,
il ne pouvait surtout éluder le problème de la culture haïtienne ; un problème d’autant plus complexe que l’histoire de son pays était liée à celle de la France, pour son malheur (l’esclavage) et pour sa fierté (la Révolution et l’indépendance). Depestre avouait d’ailleurs dans cette lettre son ignorance devant l’étendue des problèmes posés, comme si l’idéologie communiste seule pouvait aider à les résoudre.[30]
La réponse de Césaire ne se fait pas attendre trop longtemps. Elle prend la forme d’un cinglant poème (Réponse à René Depestre, poète haïtien), publié chez Présence Africaine, dans lequel il reproche à Depestre de renier sa race noire et d’abandonner sans combat le monde noir dans sa lutte contre les colonisateurs occidentaux sur le plan culturel. Il lui reproche également de faire passer l’idéologie communiste avant la littérature et l’invite à refuser cet endoctrinement idéologique. En s’adressant à Depestre, Césaire vise, par ricochet, Aragon. De ce fait, il choisit le poème, puisqu’en bon poète, il veut tenir discours sur la poésie comme un praticien, et non comme un théoricien. Et Fonkoua de renchérir :
[…] ce choix du poème plutôt que de la prose est déjà, en soi, un pied-de-nez à la conception de la poésie nationale d’Aragon. Défendant le vers classique, ce dernier semblait avoir oublié de s’inspirer des vrais maîtres du genre. Césaire, lui, procède à la manière de Boileau (LʼArt poétique, 1674). Pour tenir discours sur « l’art poétique », celui-ci, en praticien du genre, avait usé évidemment du vers. De plus, le ton sarcastique, ironique, employé par Césaire tout au long du poème fait penser aux passages les plus brillants de son Discours sur le colonialisme dans sa seconde version mais rappelle aussi un des styles de Boileau. Autrement dit, c’est en adoptant la position du classique le plus classique que Césaire va s’employer à faire la critique de l’art poétique.[31]
Césaire quitte le parti de Thorez
Une fois la rupture avec Aragon rendue publique, la polémique qui s’ensuit donne naissance à un vaste débat sur les orientations de la poésie française. Elle se poursuivra dans les années 1955-1956 et aura des conséquences sur la poésie de Césaire et de ses compagnons de lutte afro-antillais qui vont rejeter par la suite le « réalisme soviétique », pour adopter le « réalisme négro-africain ». Comme Césaire ne peut céder un pouce de terrain sur la question culturelle, à ses yeux primordiale, on peut dire que la rupture avec le Parti est déjà consommée. Pour autant, ce n’est pas de gaieté de cœur qu’il prend la décision de quitter le parti auquel il a mis tous ses espoirs. Néanmoins, un événement majeur, qui va bouleverser la galaxie communiste et éprouver les convictions les plus établies, précipite sa démission du Parti. Il vient d’URSS. Il s’agit de publication du « Rapport Khroutchtchev » révélant les purges staliniennes et les méfaits du culte de la personnalité de « l’Homme d’acier » suite au XXe Congrès du Parti communiste d’Union soviétique. Ce rapport accablant, communiqué aux dirigeants des partis frères pendant le Congrès, aurait dû rester secret mais la CIA obtient une copie qu’elle fait paraître au New York Times du 16 mars 1956. En France, Le Monde du 19 avril publie lui aussi plusieurs extraits du rapport dans ses colonnes, ce qui suscite un tollé dans l’opinion publique et une réprobation quasi-unanime de la classe politique. Comme l’a bien fait observer Alliot,
malgré l’évidence, le Parti communiste français, dirigé par Maurice Thorez, n’entame aucun processus de déstalinisation et reste sur la même ligne idéologique. Pire, les opposants à la politique du secrétaire général sont rapidement écartés, et les premières exclusions sont prononcées. Le mot d’ordre de Thorez est simple : « Vous êtes avec nous ou contre nous. » Pour un libre-penseur comme Césaire, le coup est rude.[32]
Le poète est également déçu par la politique anticoloniale et antiraciste du Parti car, pour des raisons de politique politicienne, « la fille aînée de l’Église communiste » vote la confiance au gouvernement du socialiste Guy Mollet qui entraînera la France dans la guerre d’Algérie. Cela ne restera évidemment pas sans conséquences pour les recrues martiniquaises qui seront obligés de tirer sur leurs frères colonisés. Le dernier mais pas des moindres, il reproche aux dirigeants du Parti la méconnaissance pure et simple des enjeux sociaux et politiques ultramarins et un certain paternalisme colonialiste qu’il a en horreur. Car, dès qu’il prend quelques initiatives comme député de Fort-de-France, elles sont toutes blâmées par la direction du PCF qui se substitue à lui et qui, à des milliers de kilomètres de l’île de la Martinique, considère qu’il peut juger mieux que lui des intérêts du peuple qui l’a envoyé siéger dans l’Assemblée nationale.
Or tout porte à croire que la répression sanglante des émeutes ouvrières de Poznan contre la présence des troupes soviétiques en Pologne et l’écrasement par l’Armée rouge de la révolution hongroise d’octobre 1956 sont la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. C’est justement pourquoi il rédigera sa lettre de démission (Lettre à Maurice Thorez) dont il publiera les principaux passages dans l’hebdomadaire de gauche France-Observateur du 25 octobre. Dans cette lettre, il fustige vivement les réticences du PCF à se déstaliniser et revendique pour les populations indigènes « le droit de suivre une évolution qui ne soit pas dépendante des conditions propres au communisme français »[33] et qui prendrait enfin en compte les réalités martiniquaises. Délivré de l’ivresse stalinienne, Césaire y martèle que la lutte des peuples colonisés contre l’impérialisme occidental ainsi que la lutte des Noirs contre le racisme est aux antipodes de la lutte de l’ouvrier hexagonal contre le capitalisme français et que, conséquemment, elle ne saurait être considérée comme fragment de cette lutte :
Singularité de notre « situation dans le monde » qui ne se confond avec nulle autre. Singularité de nos problèmes qui ne se ramènent à nul autre problème. Singularité de notre histoire coupée de terribles avatars qui n’appartiennent qu’à elle. Singularité de notre culture que nous voulons vivre de manière de plus en plus réelle. […] C’est dire que nous sommes convaincus que nos questions, ou si l’on veut la question coloniale, ne peut pas être traitée comme une partie d’un ensemble plus important, une partie sur laquelle d’autres pourront transiger ou passer tel compromis qu’il leur semblera juste de passer eu égard à une situation générale qu’ils auront seuls à apprécier.[34]
Et Césaire d’enfoncer le clou encore un peu plus profondément en soulignant « qu’il n’y aura jamais de variante africaine, ou malgache, ou antillaise du communisme, parce que le communisme français trouve plus commode de nous imposer la sienne. Qu’il n’y aura jamais de communisme africain, malgache ou antillais, parce que le Parti Communiste Français pense ses devoirs envers les peuples coloniaux en terme de magistère à exercer, et que l’anticolonialisme même des communistes français porte encore les stigmates de ce colonialisme qu’il combat »[35]. Mais, dans un souci de vérité et de meilleure compréhension de sa pensée politico-littéraire, il n’est pas sans importance de signaler que dans sa lettre de démission Césaire ne stigmatise ni le communisme, ni le marxisme, mais l’usage que les stalinistes ont fait du marxisme et du communisme. Tout ce qu’il veut donc, c’est que la doxa marxiste-léniniste soit mise au service des peuples noirs, et non les peuples noirs au service du marxisme-léninisme :
Que la doctrine et le mouvement soient faits pour les hommes, non les hommes pour la doctrine ou pour le mouvement. Et bien entendu cela n’est pas valable pour les seuls communistes. Et si j’étais chrétien ou musulman, je dirais la même chose. Qu’aucune doctrine ne vaut que repensée par nous, que repensée pour nous, que convertie à nous.[36]
Il conviendrait enfin encore de souligner que son désaccord sur la ligne du Parti serait prochainement officialisé sur le plan électoral après la démission du conseil municipal de Fort-de-France du 19 décembre 1956. Puisqu’en vrai démocrate, Césaire choisit de remettre en jeu ses mandats de maire et de député, au grand dam des communistes martiniquais. Suite à une campagne électorale d’une violence inouïe, les Foyalais lui manifestent leur attachement inconditionnel et sa liste remporte 34 des 37 sièges au conseil municipal. De plus, en remportant 80 % des suffrages aux législatives de 1958, Césaire marginalise son ancien parti sur l’échiquier politique martiniquais, ce qui entraîne « un recul inexorable du parti communiste dans les îles, et dans le pays tout entier, comme vont le montrer les différentes élections au cours de la Ve République. Elle [la démission du PCF] est aussi le début d’un accès à la notabilité à laquelle Césaire, conscient des risques concrets que peuvent susciter de telles ruptures, sera désormais attentif. Elle est enfin le révélateur d’une crise conjugale profonde que le couple Césaire ne réussira jamais à surmonter »[37].
En guise de conclusion, une question se pose : le mariage de Césaire avec le communisme a-t-il été un mariage d’amour ? Oui et non, parce que dans les années qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale nul ne peut douter de la sincérité du PCF qui attache sa réputation aux combats anticolonialistes violents. Excepté les organisations trotskistes, c’est le seul parti de France qui soit réceptif à l’idée que les peuples colonisés ont bien le droit de disposer d’eux-mêmes. Puisque, ne l’oublions pas, la France est restée très coloniale après la guerre. On comprend donc aisément que dans le contexte de la Guerre froide, Césaire s’acharne à glorifier le parti qui milite pour une réforme en profondeur du système colonial. L’avis est partagé par la grande pionnière des études africaines Lilyan Kasteloot qui, dans son édition critique de Ferrements, rappelle que « c’est le PCF qui propulse Césaire en politique, lorsqu’il le propose comme député en 1945. De simple professeur du lycée, il se voit investi d’un rôle national. Son analyse de l’esclavage, comme de l’oppression des nègres, est purement marxiste, il suffit de relire Le discours sur le colonialisme, dont le dernier paragraphe atteste clairement son appartenance à la doctrine de la „lutte des classes“ et de „la dictature du prolétariat“ »[38]. Ceci dit, son engagement au PCF a incontestablement eu une influence non négligeable sur sa création littéraire. En témoignent d’ailleurs ses nombreux articles, ses poèmes à la gloire du Parti, ses interventions dans la presse communiste de l’époque ainsi que son déplacement au Congrès mondial des intellectuels pour la paix de Wroclaw en août 1948. En Pologne, le poète-politique prononce un discours dans lequel les intellectuels des différents pays communistes peuvent entendre des accents du Discours sur le colonialisme, qui verra le jour deux ans plus tard. Des visites de Wroclaw et de Varsovie, deux grandes villes en pleine reconstruction où les traces de la guerre sont partout visibles, le marquent profondément et lui fournissent la thématique de Varsovie, pièce en vers dédiée à la ville martyre qui, selon lui, porte encore les stigmates du racisme nazi. De plus, peu de temps après le décès de Staline, l’auteur franco-martiniquais est même envoyé par le PCF en URSS où il chante les louanges de « l’œuvre grandiose de l’un des plus grands bâtisseurs de l’Histoire »[39]. Toutefois, ces années au Parti s’achèvent par une retentissante démission en octobre 1956 et la création du PPM. En créant ce parti, Césaire vise avant tout à démocratiser la pensée socialiste et à promouvoir le socialisme à visage humain, proche des aspirations du peuple, contre les complots byzantins et le culte de la personnalité de Staline alors en vigueur au sein du PCF. Par sa démission du Parti, il a voulu signifier également qu’il n’y a de socialisme que démocratique et que hors du respect des droits de l’homme et du citoyen il n’y a que tyrannie et mensonge. « C’est exactement ce que demandaient alors les populations à Budapest, Prague, ou Varsovie, avant d’être écrasés par les chars soviétiques »[40]. Il est à noter, cependant, qu’à aucun moment il n’abdique pas l’idéal socialiste. Il quitte un parti, mais ni le socialisme, ni les socialistes, comme il s’en explique dans sa célèbre Lettre à Maurice Thorez et dans son Discours à la maison du sport, tenu le 22 novembre 1946 sur la Savane de Fort-de-France, un long discours au cours duquel Césaire glorifie les personnages controversés du communisme national qui ont dit non au stalinisme, comme Rajk, Kostov, Gomulka ou Tito. Pour dire les choses autrement, en bon homme de gauche, Césaire ne confond pas le Stalinisme thorézien et le Socialisme. Au contraire. Il cherche à épurer l’idéal socialiste de tout l’apport stalinien qui est venu le dénaturer. À partir de là, on ne peut que conclure que Césaire a été un adepte du « socialisme des îles » plutôt qu’un stalinien pur et dur. Défenseur farouche de son identité culturelle et anticolonialiste résolu, le père de la négritude ne peut que se désolidariser avec le Parti qui tue les ouvriers et « prêche le socialisme par la bouche des canons », pour employer la tristement célèbre formule césairienne du Discours à la maison du sport, ce qui explique en grande partie pourquoi ses sept poèmes engagés ne figurent pas dans ses œuvres dites complètes. Pour conclure cette étude, nous allons citer les propos de David Alliot qui résument magistralement toute la complexité de la période communiste de Césaire :
Le parcours d’Aimé Césaire au sein du PCF a été celui d’un marginal et d’un humaniste. Tiraillé entre son appartenance au parti de Maurice Thorez et ses amitiés surréalistes ; entre la liberté de création et le caporalisme imposé qui sévissait dans les fédérations ; entre les cultures nègre et européenne qui vivaient en lui, le député-maire de Fort-de-France n’a jamais réussi à concilier ses aspirations fondamentales. Le constat de rupture sera fait en 1956, et seule une bataille électorale violente mettra fin au contentieux, obligeant Aimé Césaire à assurer le destin de son île natale en fondant son propre parti politique. Cette rupture ne s’est pas faite sans remises en question, sans interrogations, mais au final, la vision du poète a prévalu sur celle du politique.[41]
B i b l i o g r a p h i e
ALLIOT, D. : Aimé Césaire, le nègre universel. Gollion : Infolio, coll. « Illico », 2010.
ALLIOT, D. : Le communisme est à l’ordre du jour. Paris : Pierre-Guillaume de Roux, 2013.
CÉSAIRE, A. : Du fond d’un pays du silence… Édition critique de Ferrements par Lilyan Kasteloot, René Hénane et M. Souley Ba. Paris : Orizons, 2012.
CÉSAIRE, A. : Ferrements et autres poèmes. Préface de Daniel Maxim. Paris : Éditions Points, 2008.
CÉSAIRE, A. : La poésie. Édition établie par Daniel Maximin et Gilles Carpentier. Paris : Éditions du Seuil, 1994.
CÉSAIRE, A. : La voix de la Martinique. In Il Litératournaïa gazéta, n°34, 19 mars 1953.
DESANTI, D. : Nous avons choisi la paix. Paris : Éditions Seghers, 1949, pp. 69-71.
FONKOUA, R. : Aimé Césaire. Paris : Perrin, 2013.
NGAL, G. : Aimé Césaire, un homme à la recherche d’une patrie. Paris : Présence Africaine, 1994.
NGAL, G. : Lire… le Discours sur le Colonialisme. Paris : Présence Africaine, 1994.
RUSCIO, A. : Césaire et le communisme, les communistes et Césaire : une longue histoire. In CHEYMOL, M. – OLLÉ-LAPRUNE, Ph. (éds.) : Aimé Césaire à l’œuvre. Paris : AUF, 2010, pp. 193-201.
SENGHOR, L. S. : Pierre Teilhard de Chardin et la politique africaine. Suivis d’inédits. Paris : Seuil, 1962.
VÉRON, K. – HALE, T. : Les Écrits d’Aimé Césaire. Paris : Honoré Champion, 2013.
[1] Dans Teilhard de Chardin et la politique africaine, Senghor nous apprend également que Césaire et ses compagnons de route ont examiné de plus près les propositions marxistes qui décryptaient l’idéologie nazie à travers une grille de lecture rationnelle. Dans leur esprit, le nazisme était non seulement un impérialisme caché sous une idéologie raciste, mais aussi un capitalisme habillé en idéologie socialiste. Et c’est bel et bien cette analyse de la société nazie qui a amené les intellectuels africains et antillo-guyanais de Paris à l’analyse de la société bourgeoise faisant échec au gouvernement de la République française et à la volonté révolutionnaire des classes laborieuses.
[2] SENGHOR, L. S. : Pierre Teilhard de Chardin et la politique africaine. Suivis d’inédits. Paris : Seuil, 1962, p. 22.
[3] ALLIOT, D. : Le communisme est à l’ordre du jour. Paris : Pierre-Guillaume de Roux, 2013, p. 103.
[4] ALLIOT, D. : Aimé Césaire, le nègre universel. Gollion : Infolio, coll. « Illico », 2010, p. 96.
[5] ALLIOT, D. : Le communisme est à l’ordre du jour. Op. cit., p. 130.
[6] C’est aussi durant cette période d’une instabilité politique inouïe, causée par les incessantes querelles de parti, que Césaire fait paraître ses premiers recueils, comme Armes miraculeuses, Cahier d’un retour au pays natal, Soleil cou coupé ou bien Corps perdu, écrits sous l’influence de Rimbaud, de Lautréamont, et du pape du surréalisme français – Breton.
[7] Dans son discours prononcé devant les Foyalais le 6 octobre 1949, Césaire explique fort bien les raisons pour lesquelles il a adhéré au PCF : « Je suis Communiste parce que je suis Martiniquais. Je suis Communiste, parce que je sais tout ce que notre pays, tout ce que notre race ont souffert depuis l’origine, parce que je sais la traite, l’odieux esclavage, la torture, le fouet, l’humiliation, l’imbécile préjugé, l’exploitation, la répression, et qu’aucune force au monde ne peut me faire oublier cela ». (Cité dans VÉRON, K. – HALE, T. : Les Écrits d’Aimé Césaire. Paris : Honoré Champion, 2013, p. 178.)
[8] CÉSAIRE, A. : Du fond d’un pays du silence… Édition critique de Ferrements par Lilyan Kasteloot, René Hénane et M. Souley Ba. Paris : Orizons, 2012, pp. 252-253.
[9] Pour cesser les agissements du préfet autoritaire qui sabote la départementalisation octroyée, Césaire adresse une lettre à Vincent Auriol, Président de la République, le 17 juin 1948. Or la répression féroce des grèves en Martinique vaut la promotion au préfet. Jouissant de lʼimpunité la plus totale, Trouillé termine sa carrière comme inspecteur général au Ministère de lʼintérieur.
[10] CÉSAIRE, A. : Du fond d’un pays du silence… Op. cit., pp. 255-256.
[11] ALLIOT, D. : Le communisme est à l’ordre du jour. Op. cit., p. 150.
[12] VÉRON, K. – HALE, T. : Les Écrits d’Aimé Césaire. Op. cit., p. 158.
[13] CÉSAIRE, A. : Du fond d’un pays du silence… Op. cit., p. 263.
[14] Ibid., p. 264.
[15] En matant la rébellion en 1947, le Corps expéditionnaire a tué 89 000 insurgés selon l’état-major de l’armée.
[16] CÉSAIRE, A. : Couleur du tonnerre. Cité dans ALLIOT, D. : Le communisme est à l’ordre du jour. Op. cit., pp. 155-156.
[17] Suite à son séjour à Bucarest du 29 au 31 mars 1949, Césaire publie son premier texte dans la presse soviétique dans la revue Ogonek qui en dit long sur ses lubies staliniennes : « Je viens de passer deux semaines en Roumanie. Elles mʼont convaincu que ce pays a accompli dʼénormes progrès sur le plan économique, technologique, culturel et social. En quelques années, la Roumanie a, en quelque sorte, enjambé les siècles dʼun pas de géant. Elle sʼest extirpée du Moyen-Âge pour accéder à lʼâge moderne. Nous savons que seuls lʼhéroïsme de lʼArmée soviétique, et lʼexemple de lʼUnion soviétique ont rendu ces progrès possibles. » (Cité dans VÉRON, K. – HALE, T. : Les Écrits d’Aimé Césaire. Op. cit., p. 168.)
[18] CÉSAIRE, A. : Du fond d’un pays du silence… Op. cit., pp. 260-262.
[19] CÉSAIRE, A. : La poésie. Édition établie par Daniel Maximin et Gilles Carpentier. Paris : Éditions du Seuil, 1994, p. 350.
[20] CÉSAIRE, A. : Maurice Thorez parle. Cité dans ALLIOT, D. : Le communisme est à l’ordre du jour. Op. cit., pp. 164-166.
[21] FONKOUA, R. : Aimé Césaire. Paris : Perrin, 2013, p. 124.
[22] CÉSAIRE, A. : La voix de la Martinique. In : Il Litératournaïa gazéta, n°34, 19 mars 1953, p. 4.
[23] Ibid., p. 4.
[24] ALLIOT, D. : Le communisme est à l’ordre du jour. Op. cit., pp. 116-117.
[25] Ibid., p. 117.
[26] RUSCIO, A. : Césaire et le communisme, les communistes et Césaire : une longue histoire. In CHEYMOL, M. – OLLÉ-LAPRUNE, Ph. (éds.) : Aimé Césaire à l’œuvre. Paris : AUF, 2010, p. 196.
[27] ALLIOT, D. : Le communisme est à l’ordre du jour. Op. cit., p. 126.
[28] L’une des causes majeures de ce désaccord de fond provient aussi du fait que Césaire reste fidèle à son ami surréaliste Breton et qu’Aragon rompt avec le surréalisme au tout début des années 1930. À cela s’ajoute que l’origine sociale des deux auteurs est diamétralement opposée. Aragon est issu de la grande bourgeoisie, tandis que Césaire appartient à la petite bourgeoisie des fonctionnaires. Raison pour laquelle Césaire estime toujours Aragon comme un homme de droite et qu’il le qualifie d’« Académicien », ce qui n’est aucunement un compliment dans la bouche césairienne. Facteur aggravant, le fait que Césaire soit un grand écrivain de langue française n’ayant aucune raison de s’incliner devant Aragon le gêne également puisque son caractère dominateur ne supporte que les auteurs qui sont en adoration devant lui.
[29] ALLIOT, D. : Le communisme est à l’ordre du jour. Op. cit., p. 124.
[30] FONKOUA, R. : Aimé Césaire. Op. cit., p. 172.
[31] Ibid., p. 174.
[32] ALLIOT, D. : Aimé Césaire, le nègre universel. Op. cit., pp. 125-126.
[33] Ibid., p. 131.
[34] NGAL, G. : Lire… le Discours sur le Colonialisme. Paris : Présence Africaine, 1994, p. 137.
[35] Ibid., p. 140.
[36] Ibid., p. 139.
[37] FONKOUA, R. : Aimé Césaire. Op. cit., pp. 251-252.
[38] CÉSAIRE, A. : Du fond dʼun pays du silence… Op. cit., p. 17.
[39] ALLIOT, D. : Le communisme est à lʼordre du jour. Op. cit., p. 2.
[40] ALLIOT, D. : Le communisme est à l’ordre du jour. Op. cit., p. 2.
[41] Ibid., p. 293.
Dr. sc. Frano Vrančić
Département d’études françaises et ibéroromanes
Université de Zadar, Croatie
e-mail : fvrancic@unizd.hr