« Une province de la République des Lettres ? » Milieu culturel et intellectuel en Moravie à l’heure des Lumières


Jaroslav Stanovský: « Une province de la République des Lettres ? » Milieu culturel et intellectuel en Moravie à l’heure des Lumières [“A Province of the Republic of Letters?” Cultural and Intellectual Milieu in Moravia in the Enlightenment Period]. In: Ostium, vol. 19, 2023, no. 2.


Abstract: The paper deals with the cultural and intellectual state of Moravia during the 18th century in the perspective of centre and periphery. The 18th century is characterised by the construction of intellectual communication networks across Europe, favoured by the Enlightenment movement. Among these networks, a major place belonged to the “Republic of Letters”. Moravia, a peripheral province of the Austrian monarchy, was also touched by this phenomenon and its cultural elite, aristocracy and high bourgeoisie, took up the forms of sociability then in vogue: salons, Masonic lodges, learned societies. However, the position of the Moravian society at the time of the Enlightenment was developed through various relations with several cultural centres: through admiration of France, the centre of the Enlightenment, through emancipation of Prague, the traditional centre of the Czech countries and through convergence with Vienna, the capital of the Habsburg monarchy.

Key words: 18th century, Enlightenment, Moravia, Republic of Letters, Centre, Periphery

Résumé : L’étude traite de la situation culturelle et intellectuelle de la Moravie au XVIIIe siècle dans la perspective du centre et de la périphérie. Le XVIIIe siècle se caractérise par la construction des réseaux de communication intellectuels à travers l’Europe, favorisée par le mouvement des Lumières. Parmi ces réseaux, une place majeure appartenait à la « République des Lettres ». La Moravie, une province priphérique de la monarchie autrichienne, n’était pas étrange à ce phénomène et son élite culturelle, aristocratie et haute bourgeoisie, reprenait les formes de sociabilité alors à la vogue : salons, loges maçoniques, sociétés érudites. Or, la position de la société morave à l’époque des Lumières se développait à travers des relations diverses avec plusieurs centres culturels : à travers l’admiration de la France, centre des Lumières, à travers l’émancipation vis-à-vis de Prague, centre traditionnel des pays tchèques, et à travers le rapprochement avec Vienne, capitale de la monarchie des Habsbourg.

Mots-clés : XVIIIe siècle, Lumières, Moravie, république des Lettres, centre, périphérie

Le seul homme de l’époque des Lumières qui puisse être désigné comme écrivain francophone de Moravie était le comte Maximilian Lamberg, aristocrate, voyageur et écrivain. Lamberg entretenait également une correspondance amicale avec Giaccomo Casanova. Dans une des lettres écrites à son ami italien, Lamberg se plaint qu’il a dû passer tout l’hiver « Dans la plus triste, la plus incongrue et la plus maussade ville de province qui existe en Allemagne[1] », autrement dit à Brno, la capitale de la province de Moravie. Cette plainte de Lamberg, qui se réclamait pourtant de son origine morave[2], met en relief la question du centre et de la périphérie et situe la Moravie nettement du côté de la périphérie, au moins du point de vue de cet homme de lettres cosmopolite. L’opinion de Lamberg peut également servir comme point d’appui à une réflexion sur la place de la Moravie sur la carte européenne du XVIIIe siècle et sur sa situation intellectuelle et culturelle pendant la période des Lumières. Cet article cherchera ainsi à démontrer la dialectique du centre (ou plutôt des centres) et de la périphérie dans l’espace européen interconnecté sur l’exemple d’une région particulière, la Moravie. Ce pays se rapportait, à l’heure des Lumières, à plusieurs centres de culture et de pouvoir : à la monarchie autrichienne des Habsbourg et à l’espace culturel allemand et en même temps, à l’ensemble des pays de la couronne de Bohême dont le centre historique se trouvait à Prague (et dont la Moravie dépendait en tant que « Margraviat de Moravie »). L’influence de la culture française mérite également d’être mentionnée. Ainsi, la Moravie ne représentait pas un centre culturel de l’époque et sa situation périphérique est démontrée par la chronologie : l’âge baroque ne se termine qu’entre 1740 et 1750, après l’avènement de Marie-Thérèse et les guerres de Succession d’Autriche. La période des Lumières en Moravie dure jusqu’au début du XIXe siècle et se termine lentement dans le contexte des guerres napoléoniennes et du romantisme naissant.

Cet article s’inscrit dans une thématique actuelle des recherches sur les Lumières : celle de la circulation internationale des idées et des savoirs[3]. Il sera divisé en trois parties : d’abord, nous présenterons une réflexion générale sur les centres et les périphéries pendant les Lumières et sur les communautés savantes européennes de l’époque, ensuite nous décrirons l’évolution politique et culturelle de la Moravie au XVIIIe siècle, enfin, dans la partie principale, nous parlerons de la « République des Lettres » en Moravie dans l’optique des centres et périphéries en nous concentrant sur le rapport des élites moraves aux trois centres différents : la France, la Bohême et Vienne (ou l’Autriche en général).

Centre et périphérie des Lumières : réseaux culturels et intellectuels de l’Europe au XVIIIe siècle.
Pour bien contextualiser notre propos, il faut dire quelques mots sur l’Europe des Lumières et son fonctionnement. Constatons d’abord que les Lumières s’opposent à toute définition simple et univoque. Il est, bien sûr, possible de mentionner Immanuel Kant qui a essayé de définir les Lumières dans son article Beantwortung der Frage: Was ist Aufklärung? en proposant la devise Sapere aude Ose savoir ![4] Or, cette phrase ne résume que l’idéal de ce mouvement, sans préciser ses points caractéristiques et sans rendre compte de sa complexité. « Ces Lumières sont plurielles » constate le chercheur contemporain Pierre-Yves Beaurepaire[5] et, en effet, les mots Lumières en français, Aufklärung en allemand, Illuminismo en italien ou Enlightenment en anglais ne peuvent pas être considérés comme de simples traductions d’une seule expression, ils désignent plutôt les variantes locales d’un vaste mouvement, les variantes similaires, interconnectées et pourtant particulières. Ainsi, il faut rejeter l’idée d’un seul axe du rayonnement de la « civilisation des Lumières » (Angleterre — France — Europe centrale), car les transferts des savoirs de l’époque forment plutôt un grand réseau de communication à plusieurs centres, fondé sur les voyages, sur la circulation des livres et des périodiques, sur la correspondance entre les érudits, intellectuels, aristocrates et souverains.

Un de ces centres européens se trouvait sans doute en France, le cœur culturel indéniable de l’Europe des Lumières, comme l’explique Pascale Casanova[6]. Au XVIIIe siècle, le français connaît son « âge d’or » et surpasse le latin en tant que langue internationale. Nous pouvons le démontrer par l’exemple de la Prusse sous Frédéric II : en 1754, le français est adopté par l’académie de Berlin car « les limites du pays latin se resserrent à vue d’œil » (J. H. S. Formey)[7]. Et Rivarol dans son Discours sur l’universalité de la langue française, rédigé également sur l’initiative de l’Académie de Berlin, parle du « monde français ». Nous pouvons encore citer un point de vue morave, celui de Maximilian Lamberg, selon qui : « On peut dire aujourd’hui que la moitié de l’Europe parle françois ; & que cette langue moderne a beaucoup plus de réputation & d’amateurs que celle des Césars & des Cicérons[8]. » Or, ce n’est pas juste la culture française qui jouit d’un prestige croissant : dans l’Europe centrale, le rôle de l’allemand et de la culture allemande ne doit pas être sous-estimé[9]. Enfin, les États italiens, surtout la Lombardie et la Toscane (gérée par l’archiduc Pietro Leopoldo, futur empereur Léopold II, apprécié comme un modèle du souverain éclairé), peuvent être considérés comme un autre centre mineur des Lumières.

L’Europe des Lumières est donc un espace de communication, ouvert et interconnecté. Une notion-clé pour saisir ce réseau et ses protagonistes est « la République des Lettres ». L’usage de cette expression, originaire du XVe siècle[10], se répand au XVIe siècle pour désigner l’ensemble universel des érudits, non limité par les frontières des États[11]. Au XVIIIe siècle, la forme de cette République change par rapport au modèle de l’âge classique mais elle se développe et se répand[12]. Le changement de caractère de la République des Lettres va de pair avec la naissance d’un public lettré, dans une mesure beaucoup plus importante que dans les périodes précédentes[13]. Les Lumières peuvent être caractérisées comme un « âge des sociabilités[14] ». Cette sociabilité devient « une valeur en soi, dans une version renouvelée de la République des Lettres, où il ne s’agissait pas tant de contribuer en tant que savants au progrès des sciences, mais de se réunir, entre gens de mérite et bonne volonté, pour encourager et accompagner la diffusion de connaissances utiles[15] ». De plus, ce n’est pas seulement la littérature et le théâtre qui intéressent ce public mais également les sciences à la différence des périodes précedentes : comparons les salons des précieuses du XVIIe siècle et les salons de l’époque des Lumières. Nous pouvons évoquer Voltaire qui distingue un « homme de lettres » et un « bel esprit » : « les véritables gens de lettres se mettent en état de porter leurs pas dans ces différents terrains, s’ils ne peuvent les cultiver tous. Leur savoir, toutefois, devait être éclairé par la possession de l’esprit philosophique[16] ». Les membres de la République des Lettres correspondent avec leur « confrères » (mentionnons l’activité épistolaire prodigieuse de Voltaire ou d’Albert von Haller)[17] et se réunissent dans le cadre informel ou institutionnalisé : dans les salons, dans les loges maçoniques, à la frontière entre la recherche du progrès et la passion pour l’ésotérisme, et dans les institutions telles que les académies ou sociétés savantes, fondées partout en Europe. Ce n’est qu’au XIXe siècle qu’un scientifique (c’est-à-dire professionnel) remplace un savant (c’est-à-dire amateur)[18].

La République des Lettres de l’époque des Lumières était par sa nature un élément cosmopolite, fondé sur une certaine conscience de l’identité européenne. Toutefois, ce cosmopolitisme n’exclut pas une autre manifestation des Lumières, liée d’ailleurs à l’effort de découvrir le monde : le patriotisme (et pas encore le nationalisme), c’est-à-dire l’intérêt porté à l’histoire de son pays, à ses beautés naturelles mais également la volonté d’améliorer la société de son pays tout entière par des projets économiques (réformes agraires ou scolaires, initiation des activités économiques) et sociaux (fondation des hôpitaux, des maisons de charité). Le comportement patriotique a été considéré comme une « vertu publique[19] ».

Tous ces éléments évoqués se manifestent dans l’évolution du milieu culturel et intellectuel en Moravie pendant la période des Lumières.

La Moravie au XVIIIe siècle et sa culture
La Moravie à la période des Lumières (1740-1810) a connu des transformations profondes qui ont changé ses structures sociales et économiques : une province agraire devient un pays moderne[20]. Au début de cette période, la Prusse conquiert une grande partie de la Silésie, la province voisine, ce qui change également la situation politique de la Moravie. La défaite face à l’armée de Frédéric II a néanmoins entraîné une vague de réformes, orchestrées par Marie-Thérèse, son fils Joseph II et leurs conseillers. Ces réformes visaient la modernisation générale de l’État et de son administration, par exemple les réformes agraires et la suppression du servage, la tolérance religieuse ou la mise en place de l’obligation scolaire. Nous parlerons dans ce contexte du « despotisme éclairé » et la courte période du joséphinisme (1780-1790) peut être caractérisée comme une « modernisation autoritaire[21] ». Ajoutons qu’un des personnages les plus influents à la cour de Vienne est le chancelier Wencelsas Kaunitz, seigneur de Slavkov (Austerlitz) et fier de son origine morave. Un des effets des réformes est la centralisation de l’État : malgré un certain degré d’autonomie, incarné surtout par l’existence de l’assemblée provinciale, la Moravie est de plus en plus attachée au centre de la monarchie. À cette époque, on assiste également à la transmission définitive du pouvoir à l’intérieur du pays : l’ancienne métropole, Olomouc, centre du pouvoir ecclésiastique, devient une forteresse importante, tandis que Brno, la ville plus « progressiste » et plus proche de la cour de Vienne, se transforme en un cœur culturel et économique du pays. Il n’est pas étonnant que les activités des Lumières se concentrent, à partir de 1760, à Brno, alors que Olomouc est parfois considérée comme le centre du « parti noir » (c’est-à-dire clérical) de la monarchie autrichienne[22].

Or, les Lumières en Moravie ne se limitent pas aux lois et réformes imposées par l’administration de la monarchie, mais elles sont incarnées également par les activités de l’élite morave qui adhère à cette « République des Lettres » de l’époque. La majorité de l’élite morave de l’époque faisait partie de l’aristocratie qui pouvait être divisée, en recourant à la terminologie française, en deux classes : la « noblesse d’épée », c’est-à-dire les vieilles familles toujours puissantes et actives dans les hautes sphères de la politique comme les Dietrichstein, les Kaunitz, les Liechtenstein, et la « noblesse de robe », familles récemment anoblies ou membres de la petite aristocratie qui gagnent de l’importance en tant que militaires, admistrateurs ou entrepreneurs, ce qui est le cas des familles Salm, Mittrowski ou Chorinski[23]. Ensuite, une partie minoritaire de cette élite était formée par le clergé éclairé et réformateur et par les bourgeois lettrés, surtout les adminstrateurs des aristocrates éclairés ou les protestants venus d’Allemagne après la mise en place de la tolérance religieuse en 1781. C’est le cas de Christian Carl André, érudit et organisateur de la vie scientifique, appelé à Brno pour diriger l’école évangélique[24]. Les protagonistes des Lumières en Moravie forment en fait un cercle assez étroit dont les membres se connaissent et se fréquentent : c’est surtout le cas des générations actives entre 1770 et 1800.

Quant à la vie culturelle, intellectuelle et scientifique à l’heure des Lumières, nous pouvons constater que la Moravie suit les tendances de l’Europe occidentale. Les aristocrates reconstruisent leurs châteaux avec salons, cabinets de curiosité et jardins selon la dernière mode (les Salm à Rajec, les Chorinsky à Veseli, les Kaunitz à Slavkov, etc.) et remplissent leurs bibliothèques de livres étrangers : romans, écrits philosophiques ou scientifiques, encyclopédies et dictionnaires français et allemands. De même, l’élite morave reprend activement les modes de sociabilité à la vogue. D’abord, ce sont les salons aristocratiques, chez la comtesse Marie-Christine de Dietrichstein à Mikulov, dont les membres donnent des impulsions importantes au développement de l’agriculture en Moravie, ou chez le comte Mittrowsky à Brno. Ensuite, les aristocrates moraves s’engagent dans le mouvement des franc-maçons et, dans les années 1780, ils organisent successivement deux loges : Chez le soleil levant de l’Orient et quelques années plus tard la loge Chez les vrais amis unifiés qui se sépare de la première loge[25]. La problématique des franc-maçons moraves est toujours couverte de mystère : si nous connaissons les membres de ces loges, dont le prince de Salm-Reifferscheidt ou le comte Mittrowsky, leurs activités ne sont pourtant pas bien documentées. Enfin, la Moravie n’échappe pas à la mode des académies[26]. Pendant cette période, plusieurs sociétés savantes sont fondées, orientées surtout vers l’agriculture et les sciences naturelles. Les membres de la Société pour l’amélioration de l’agronomie, sciences naturelles et patriotiques (K. k. mährisch-schlesische Gesellschaft zur Beförderung der Ackerbaues, der Natur- und Landeskunde) sont d’ailleurs à l’origine de la fondation de deux institutions toujours existantes, le Musée de Moravie et la Bibliothèque de Moravie. De plus, une autre « institution » intellectuelle de l’époque des Lumières est représentée par la presse, par les journaux, magazines littéraires, périodiques scientifiques[27]. Et également dans ce domaine la Moravie suit les tendances européennes : plusieurs journaux et hebdomadaires ont vu le jour pendant la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Or, la durée de ces activités est parfois éphémère, ce qui souligne le caractère périphérique du milieu morave quant au mouvement des Lumières : c’est le cas de Mährisches Magazin, la revue publiée par les franc-maçons de Brno.

Pour conclure cette partie, nous pouvons constater que l’élite morave de l’époque adhérait aux Lumières européennes dans la mesure où elle était ouverte et sensible à de nouvelles impulsions culturelles et intellectuelles alors à la mode. Il n’est ainsi pas surprenant que Max Lamberg, connu « dans la République des Lettres […] d’une manière trop avantageuse[28] », soit devenu un des protagonistes les plus actifs de la vie intellectuelle locale après son installation en Moravie après 1775. En même temps, les spécialistes des Lumières moraves s’accordent à affirmer un double caractère, cosmopolite et patriotique, de l’élite morave de l’époque[29]. Ce groupe se situait ainsi dans l’Europe des Lumières tout en se réclamant par son identité locale, morave[30]. Ce double caractère se manifeste dans la manière dont la culture morave se rapportait aux différents centres : à la France, centre culturel du XVIIIe siècle, à la Bohême, centre des pays tchèques, et à Vienne, centre du pouvoir de l’époque.

La Moravie comme périphérie et trois centres de l’époque
À l’époque qui nous intéresse, l’attrait et le charme de la culture française étaient perceptibles partout en Europe. Pierre-Yves Beaurepaire caractérise ce phénomène comme le « rayonnement culturel et artistique français activement soutenu par l’affirmation du modèle parisien […] du goût et de la vie mondaine[31] ». Cette « gallomanie » a touché également le milieu morave sous plusieurs aspects. D’abord, les bibliothèques aristocratiques sont pleines de livres français : dans le cas de l’ancienne bibliothèque de Veseli (composée des bibliothèques de deux familles aristocratiques, Chorinsky et Waldorf), il s’agit d’un tiers de toute la collection, à savoir près de 2700 unités. Le bibliothécaire des Chorinsky a même dressé un catalogue spécial des livres français[32]. Quant au marché du livre, les entrepreneurs locaux, comme Locatelli de Brno, offraient à leurs clients quantité de livres français[33]. Nous pouvons mentionner dans ce contexte la position de Voltaire, vedette de l’Europe des Lumières : ses livres, surtout la fameuse édition de Kehl, ne peuvent manquer dans aucune grande bibliothèque de l’époque et Max Lamberg déclare être « Un des plus zèles partisans de Voltaire, […] un de ses admirateurs, […] un homme, qui donneroit tout ce qu’il possede pour pouvoir lui ressembler[34]. » De plus, le français était utilisé comme un moyen de communication privé de l’aristocratie[35] ; en témoigne la correspondance de la comtesse Marie-Christine de Dietrichstein avec son fils, conservée dans les Archives de Moravie. Ivo Cerman considère même le français nobiliaire comme un « sociolecte[36] », mais la connaissance du français était largement répandue également parmi les érudits moraves de l’époque. Néanmoins, l’observation de Pierre-Yves Beaurepaire sur les limites du modèle français dans l’Europe des Lumières est tout-à-fait valable pour la Moravie. D’abord, les contacts directs des Moraves avec le milieu français sont plutôt modérés, quasi-inexistants. Nous pouvons mentionner dans ce contexte le destin de la « Société patriotique d’Hesse-Hombourg » : ce grand projet était destiné à former un réseau organisé des érudits qui devaient publier et échanger des écrits scientifiques. Max Lamberg a réussi a fonder sa filiale à Brno, mais nous ne savons presque rien sur ses activités ou publications : cette tentative d’intégrer la Moravie à la vie scientifique européenne a apparemment échoué[37]. Enfin, la production francophone en Moravie est également très limitée avec une notable exception de Lamberg qui a publié une dizaine de livres dont le plus connu était Mémorial d’un mondain, un récit de voyage drôlatique[38]. Si le français doit être considéré comme une langue véhiculaire, dans le domaine de la science, la place dominante appartient à l’allemand comme en témoigne l’Oeconomische Encyclopädie de Johann Georg Künitz dont une des éditions a été publiée à Brno dans les années 1787-1823 ou la traduction allemande de Buffon, imprimée également à Brno[39]. Bref, la Moravie se rapportait au centre français pendant cette période, mais toujours dans la position d’une périphérie et son caractère provincial à cet égard est indiscutable.

Une situation toute différente existait dans la relation des Moraves à la Bohême et à Prague, à savoir le centre traditionnel des pays de la couronne de Bohême. Or, la position politique de Prague s’affaiblit progressivement au XVIIe et au XVIIIe siècles, ce qui n’est pas sans impact sur la position de la Moravie : les liens politiques entre ces deux provinces sont rompus à cause de la centralisation des provinces sous le règne des Habsbourg. Les différences s’agrandissent au niveau identitatire. Même pendant le XVIIIe siècle, considéré à juste titre comme l’âge des ténèbres de la culture tchèque (au niveau linguistique), les aristocrates de Bohême restent généralement fiers de leur identité politique, comme en témoigne le cas de François Joseph Kinsky (1739-1805), érudit, écrivain, mécène et d’ailleurs un critique fervent de la mode francophone[40]. Or, pour cette raison, ils semblaient à leurs compatriotes moraves parfois comme des hommes conservateurs, obsédés par leurs anciens privilèges. Max Lamberg remarque que les nobles de Bohême n’acceptent parmi eux « que des hommes aussi gothiques que leur châteaux[41] ». Les Moraves, quant à eux, découvrent sous l’influence du patriotisme des Lumières leur identité à part. Ce processus se manifeste par exemple par la rédaction des cartographies, destinées à décrire la Moravie en accord avec les besoins de la science moderne. Et, dans une sorte de cahier de doléances, adressé au nouvel empereur Léopold II en 1791, les États de Moravie déclarent leur indépendance, tout en confirmant le lien historique entre la Bohême et la Moravie[42]. De plus, au moins certains intellectuels et nobles moraves considéraient l’Allemagne comme leur autre patrie et c’est l’allemand qui était la langue des sociétés scientifiques et des loges maçoniques, de même que des périodiques comme Mährisches Magazin ou Patriotisches Tageblatt. Baron Stillfried, ami de Lamberg et directeur d’une académie pour les aristocrates à Brno, constate ainsi à propos de l’allemand : « Oserais-je le dire que nous autres Moraviens (je parle de la jeunesse) avons besoin de l’admonition de nous appliquer à nôtre langue maternelle[43] ? » Cette tendance se poursuivra encore au XIXe siècle. Rappelons que Brno, à la différence de Prague, restait une ville majoritairement allemande tout au long du règne des Habsbourg. Nous pouvons constater en tout cas que la « périphérie » morave s’émancipe, sous l’influence des réformes et des idées des Lumières, de son centre traditionnel et rares sont les érudits, comme Joseph Vratislav Monse, qui se déclarent d’identité tchèque[44].

L’affaiblissement apparent de la relation de l’élite des pays tchèques était lié à l’orientation importante des notables moraves vers Vienne et l’Autriche, dont l’importance administrative, politique et culturelle n’a cessé de croître tout au long du siècle des Lumières. La Moravie était une périphérie également face au centre viennois mais leur relation était étroite. La proximité de Vienne facilitait l’intégration des nobles et intellectuels moraves dans les structures de la cour impériale et, par conséquent, dans les réseaux de la communication culturelle européenne[45]. Nous avons évoqué le cas du chancelier Kaunitz, rappelons encore Joseph von Sonnenfels, juriste et écrivain originaire de Mikulov qui a largement contribué à la réforme du droit pénal dans la monarchie autrichienne. De plus, le rôle de la petite noblesse et des fonctionnaires au service de l’État s’amplifie durant cette période. Il n’est pas étonnant que la vie intellectuelle et culturelle ait été également orientée dans ce sens et que Vienne représentait pour les membres de la République des Lettres morave une sorte de « fenêtre vers l’Europe ». La première société érudite avec sa propre revue scientifique, fondée à Olomouc en 1746, témoigne déjà par son nom de l’orientation des intellectuels moraves vers Vienne. Il s’agit de Societas incogniturum eruditorum in terris Austriacis. La société était, malgré son nom latin, presque exclusivement germanophone et elle visait le développement des sciences et des lettres allemandes[46]. De même, les franc-maçons moraves s’orientaient plutôt vers Vienne et ils contestaient le système des provinces qui devrait les soumettre aux loges de Prague. D’un autre côté, les architectes et artistes de Vienne réalisent leurs travaux en Moravie et les libraires de Vienne ont un accès direct au marché morave comme Bianchi qui ouvre en 1774 un cabinet de lecture à Brno[47]. Ces tendances s’amplifient encore après la fin des Lumières : pendant cette période, Brno, en tant que capitale de la Moravie, est parfois considérée comme une « banlieue de Vienne » et l’influence viennoise sur la transformation de la ville, sur son architecture et sur les projets publics est sensible encore aujourd’hui. Dans sa relation à Vienne, la Moravie peut être considérée comme une périphérie qui profite néanmoins d’un centre voisin pour son propre développement.

Pour terminer, nous pouvons constater avec les chercheurs comme Pierre-Yves Beaurepaire ou Ulrich Im Hof que l’Europe du XVIIIe siècle, l’Europe des Lumières est un espace de circulation et d’échanges[48]. Cet espace était assez hétérogène et nous pouvons distinguer plusieurs centres ou points nodaux comme la France, centre de la vie des Lumières, l’Italie, un pays toujours consacré aux arts et à la musique, ou l’Allemagne où nous pouvons observer une lente renaissance de la langue et des lettres allemandes. La Moravie, comme une province de la monarchie autrichienne, représentait une partie intégrante de cet espace dont la société se formait dans les rapports à plusieurs centres. Les relations entre la « périphérie » morave et les centres étaient diverses, nous pouvons parler d’une certaine admiration (pour la France et sa culture), de l’émancipation (vis-à-vis de Prague) et de l’influence du nouveau centre du pouvoir (l’Autriche et Vienne). De plus, il faut souligner la variété des influences de ces centres sur la Moravie (nous avons mentionné avant tout les aspects culturels et historiques), mais nous pouvons évoquer les exemples des autres domaines : agriculture, industrie, hôpitaux et services publics, politique religieuse… Dans tous ces domaines, la Moravie s’est modifiée pendant le XVIIIe siècle pour devenir un pays moderne. Cette transformation ne serait pas possible sans le rayonnement de la « civilisation de l’Europe des Lumières » pour reprendre les termes de Pierre Chaunu, incarné par le despotisme éclairé de Marie-Thérèse et surtout de Joseph II mais également par les activités de l’élite morave, des aristocrates et des intellectuels. Grâce à eux, la Moravie du XVIIIe siècle représentait une province de la République des Lettres de l’époque, quoique province périphérique.

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UHLÍŘ, D. : Myšlenkové dědictví zednářů v moravské a slezské vědě na počátku 19. století. In: LORMAN, J. – TINKOVÁ, D. (éds.) : Post tenebras spero lucem. Duchovní tvář českého a moravského osvícenství. Praha : Casablanca 2009, p. 174-184.
VOLTAIRE : Gens de lettres. In : Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers. Tome Septieme [FO-GY]. Livorno : l’Imprimerie des Éditeurs 1773.
VON ECKARTHAUSEN, C. – MONSE, J.V. : Odkryté Tagnosti Cžarodegnjckých Kunsstů k Weystraze a Wyvčowánj obecnjho Lidu o Powěrách a sskodliwých Bludech. Olomouc : Josefa Terezie Hirnleová 1792.
WAQUET, F. : Qu’est-ce que la République des Lettres ? In : Bibliothèque de l’École des chartes, vol. 147, 1989, p. 473-502.

N o t e s
[1] LEEFANG, M. – LUCIANI, G. – LUNA, M.-F. (éd.) : Mon cher Casanova : lettres du comte Maximilien Lamberg et du sénateur Pietro Zaguri à Giacomo Casanova. Paris : Honoré Champion 2008, p. 331.
[2] « Il me sera permis de dire que je suis Morave » affirme-t-il dans l’introduction de la seconde édition de son Mémorial d’un mondain. LAMBERG, M. : Mémorial d’un mondain. Londres 1776, p. 3.
[3] LILTI, A. : L’Héritage des Lumières. Ambivalences de la modernité. Paris : Hautes études, EHESS, Gallimard, Seuil 2019, p. 182.
[4] KANT, I. : Beantwortung der Frage: Was ist Aufklärung? In : Berlinische Monatschrift, vol. 2, 1784, no 2, p. 481-494.
[5] BEAUREPAIRE, P.-Y. : L’Europe des Lumières. Paris : Presses universitaires de France 2018, p. 8.
[6] CASANOVA, P. : Světová republika literatury. Praha : Karolinum 2012, s. 91-98.
[7] Cité selon SIMON, F. : La République des lettres (XVIIe-XVIIIe siècles). Une utopie vivante. Disponible sur : https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/de-l%E2%80%99humanisme-aux-lumi%C3%A8res/l%E2%80%99europe-des-savoirs-xviie-xviiie-si%C3%A8cle/la-r%C3%A9publique-des-lettres-xviie-xviiie-si%C3%A8cles#:~:text=Les%20%C2%AB%20lettres%20%C2%BB%20d%C3%A9signent%20l’,la%20Renaissance%20et%20la%20R%C3%A9volution.
[8] LAMBERG, M. : Supplément aux Lettres critiques, morales et politiques. Amsterdam 1786, p. 116.
[9] « Le sommet de la francisation culturelle de l’élite européenne se place entre 1760 et 1770. À partir de 1770, l’allemand reprend progressiovement son droit de cité dans l’Empire et part à l’assaut des classes moyennes dans toute l’Europe danubienne. » CHAUNU, P. : La civilisation de l’Europe des Lumières. Paris : Arthaud 1993, p. 193.
[10] WAQUET, F. : Qu’est-ce que la République des Lettres ? In : Bibliothèque de l’École des chartes, vol. 147, 1989, p. 475.
[11] Nous pouvons évoquer la définition de la République des lettres par l’érudit Vigneul-Marville (1635-1704) : « Jamais République n’a été ni plus grande, ni plus peuplée, ni plus libre, ni plus glorieuse. Elle s’étend par toute la terre et est composée de gens de toutes les nations, de toute condition, de tout âge, de tout sexe […]. On y parle toutes sortes de langues vivantes et mortes […] ». Cité selon SIMON, F. : La République des lettres (XVIIe-XVIIIe siècles). Une utopie vivante. Disponible sur: https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/de-l%E2%80%99humanisme-aux-lumi%C3%A8res/l%E2%80%99europe-des-savoirs-xviie-xviiie-si%C3%A8cle/la-r%C3%A9publique-des-lettres-xviie-xviiie-si%C3%A8cles#:~:text=Les%20%C2%AB%20lettres%20%C2%BB%20d%C3%A9signent%20l’,la%20Renaissance%20et%20la%20R%C3%A9volution.
[12] « Dans les faits, la manière dont cet espace utopique est perçu et interprété évolue entre la Renaissance et la Révolution. La République des Lettres n’est en rien un objet stable mais varie en fonction des contextes, géographiques et temporels. » Ibid.
[13] La principale préocupation des écrivains de l’époque « concerne la possibilité d’éclairer le public, de transmettre la connaissance et l’esprit critique au-delà des cercles savants. » LILTI, A. : L’Héritage des Lumières. Ambivalences de la modernité. Paris : Hautes études, EHESS, Gallimard, Seuil 2019, p. 183-184.
[14] « Les sociétés savantes, les salons, les cabinets de curiosité, les imprimeries, les bibliothèques, les laboratoires, les observatoires et les collections ont constitué, tout au long de l’époque moderne, les points nodaux de la République des Lettres. » LAMY, J. : La République des Lettres et la structuration des savoirs à l’époque moderne. In : Littératures, vol. 67, 2013, « L’« indivision des savoirs » en question (XVIe et XVIIIe siècle », p. 95. Disponible sur : https://journals.openedition.org/litteratures/243.
[15] LILTI, A. : L’Héritage des Lumières. Ambivalences de la modernité. Paris : Hautes études, EHESS, Gallimard, Seuil 2019, p. 174.
[16] VOLTAIRE : Gens de lettres. In : Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers. Tome Septieme [FO-GY]. Livorno : l’Imprimerie des Éditeurs 1773, p. 576.
[17] Quant à ce thème, voir BEAUREPAIRE, P.-Y. (éd.) : La plume et la toile. Pouvoirs et réseaux de correspondance dans l’Europe des Lumières. Arras : Presses universitaires d’Arras 2002.
[18] « Si les gens de lettres européens acquièrent un pouvoir intellectuel au XVIIIe siècle, c’est en grande partie parce que l’espace de communication s’ouvre dans des proportions inédites. » MASSEAU, D. : L’Invention de l’intellectuel dans l’Europe du XVIIIe siècle. Paris : Presses universitaires de France 1994, p. 63.
[19] IM HOF, U. : Evropa a osvícenství. Praha : Nakladatelství Lidové noviny 2001, p. 183.
[20] En ce qui concerne l’état de la Moravie et des pays tchèques en général à l’époque des Lumières, voir surtout la synthèse de Daniela Tinková récemment publiée. TINKOVÁ, D. : Osvícentví v českých zemích I. Formování moderního státu (1740-1792). Praha : Nakladatelství Lidové noviny 2022. Pour l’aperçu général de l’histoire des pays tchèques entre le baroque et les Lumières, voir MARÈS, A. : Histoire des Pays tchèques et slovaques. Paris : Hatier 1995, p. 162-180.
[21] ŠTAIF, J. : Modernizace na pokračování: Společnost v českých zemích (1770—1918). Praha : Argo 2020, p. 36.
[22] KROUPA, J. : Alchymie štěstí. Pozdní osvícenství a Moravská společnost 1770-1810. Brno : Era 2006, p. 35.
[23] Ibid., p. 24-25.
[24] Voir également STANOVSKÝ, J. (éd.) : Odvaž se poznat! Podoby a projevy osvícenství na Moravě. Katalog výstavy. Brno : Moravská zemská knihovna 2022, p. 180.
[25] UHLÍŘ, D. : Myšlenkové dědictví zednářů v moravské a slezské vědě na počátku 19. století. In : LORMAN, J. – TINKOVÁ, D. (éds.) : Post tenebras spero lucem. Duchovní tvář českého a moravského osvícenství. Praha : Casablanca 2009, p. 174-175.
[26] L’historien anglais Peter Burke remarque que l’époque des Lumières a vu l’essor des « institutions de recherche » BURKE, P. : Společnost a vědění I. Od Gutenberga k Diderotovi. Praha : Karolinum 2007, p. 63.
[27] Ibid., p. 66.
[28] LAMBERG, M. : Lettres Critiques, Morales et Politiques. Amsterdam 1786, « Avis de l’éditeur ».
[29] Rappellons d’ailleurs les mots de Françoise Waquet selon qui « bien de lettrés, tout en protestant de leur amour pour leur patrie, tout en étant pleinement convaincus de l’existence et de l’importance des caractères nationaux, s’affirmèrent citoyens du monde. » WAQUET, F. : Qu’est-ce que la République des Lettres ? In : Bibliothèque de l’École des chartes, vol. 147, 1989, p. 495.
[30] En ce qui concerne le cosmopolitisme des Lumières de l’époque, voir IM HOF, U. : Evropa a osvícenství. Praha : Nakladatelství Lidové noviny 2001, p. 86.
[31] BEAUREPAIRE, P.-Y. : L’Europe des Lumières. Paris : Presses universitaires de France 2018, p. 12.
[32] Le Catalogue des Livres Francois, qui se trouvent dans la Bibliothèque de son Excellence Monsieur le Comte Francois de Chorinsky à Wessely. Exemplaire de la Bibliothèque morave de Brno, cote CH-0004.323.
[33] LOCATELLI, K.-F. : Catalogue de Livres François & Italien qui se trouvent chez Charles Francois Locatelli Marchand libraire à Brunne en Moravie. Brno : Emmanuel Svoboda 1762. Exemplaire de la Bibliothèque morave de Brno, cote ST1-0001.430.
[34] LAMBERG, M. : Supplément aux Lettres critiques, morales et politiques. Amsterdam 1786, s. 51.
[35] C’est que l’Europe des Lumières était également, pour donner la parole à Pierre-Yves Beaurepaire, « l’Europe de distinction ». BEAUREPAIRE, P.-Y. : L’Europe des Lumières. Paris : Presses universitaires de France 2018, p. 32.
[36] CERMAN, I. : La noblesse de Bohême dans l’Europe française. L’énigme du français nobiliaire. In : CHALINE, O. – DUMANOWSKI, J.- FIGEAC, M. (éds.) : Le rayonnement du français en Europe centrale. Du XVIIe siècle à nos jours. Pessac : Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine 2009, s. 368.
[37] KROUPA, J. : Société patriotique de Hesse-Hombourg v Brně. In : Časopis Matice moravské vol. 113 (1994), p. 129-144.
[38] LAMBERG, M. : Le Mémorial d’un mondain. Au Cap Corse ( ?) 1774.
[39] BUFFON, G.-L. : Naturgeschichte der Vögel. Brno : Joseph Georg Trassler 1786.
[40] KONEČNÝ, M. – CERMAN, I. : Tváře osvícenství. Kroměříž : Národní památkový ústav 2021, p. 159.
[41] LAMBERG, M. : Lettres Critiques, Morales et Politiques. Amsterdam 1786, p. 88.
[42] MALÍŘ, J. – ŘEPA, M. : Dějiny Moravy 3/2. Morava na cestě k občanské společnosti. Brno : Muzejní a vlastivědná společnost v Brně 2018, p. 28-29.
[43] LAMBERG, M. : Correspondance de l’auteur du Mémorial d’un mondain avec un ami. Wien 1781, p. 9.
[44] Voir par exemple l’introduction de l’édition tchèque d’un ouvrage sur les superstitions populaires, traduite par Monse : VON ECKARTHAUSEN, C. – MONSE, J. V. : Odkryté Tagnosti Cžarodegnjckých Kunsstů k Weystraze a Wyvčowánj obecnjho Lidu o Powěrách a sskodliwých Bludech. Olomouc : Josefa Terezie Hirnleová 1792.
[45] C’est par exemple le cas des membres de la famille Lichtenstein, les plus grands propriétaires terriens en Moravie : Joseph Wenceslas (1696-1772), ambassadeur auprès de la cour de France, son petit-neveu Jean I. (1760-1836), maréchal et l’un des principaux opposants de Napoléon. Malíř, J. – Řepa, M. : Dějiny Moravy 3/2. Morava na cestě k občanské společnosti. Brno : Muzejní a vlastivědná společnost v Brně 2018, p. 83.
[46] Les membres de la Société ont commencé à collaborer dans le cadre d’une revue scientifique, Monathliche Auszüge Alt, und neuer Gelehrter Sachen, publiée en 1746 et 1747.
[47] ŠIMEČEK, Z. : Knižní obchod v Brně od sklonku 15. do konce 18. století. Brno : Archiv města Brna 2011, p. 263-264.
[48] BEAUREPAIRE, P.-Y. : L’Europe des Lumières. Paris : Presses universitaires de France 2018, p. 43 et IM HOF, U. : Evropa a osvícenství. Praha : Nakladatelství Lidové noviny 2001, p. 15-20.

L’étude a été préparée dans le cadre du Financement institutionnel pour un développement conceptuel d’une organisation de recherche – Bibliothèque morave de Brno/ Studie vznikla v rámci Institucionální podpory na dlouhodobý koncepční rozvoj výzkumné organizace – Moravská zemská knihovna v Brně.

Jaroslav Stanovský
Bibliothèque Morave de Brno

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