L’INVISIBLE ET LE VISIBLE DANS LE DISCOURS DE LA LITTÉRATURE TCHÈQUE MODERNE : « LA VUE INTÉRIEURE »

The Invisible and the Visible in the Czech Modern Literary Discourse: the “Interior Vision”

The study analyses the circumstances of the usage of the expression “interior vision” in the critical and artistic discourse of the Czech fin-de-siècle literature. The first part of the study explores the contextual changes of this metaphorical expression and reflects the evidence it gives about a human being’s “anchoring” in one’s body and deals with the relation between the so called “interior vision” in the art of the turn of 19th and 20th century, the term intuition and the intuitive cognition. The centre of the study is the analysis of the selected works of the modern Czech artists F. X. Šalda, Julius Zeyer, František Bílek, Otokar Březina and Miloš Marten.

Keywords · interior vision, intuition, fin de siècle, F. X. Šalda, Julius Zeyer, František Bílek, Otokar Březina, Miloš Marten

 

À la mémoire de mon cher grand-père Jan Szabo.

Je klamem duchovní optiky, že právě velkolepost přítomnosti nám uniká.
Otokar Březina[1]

People have often tried to find a type of life that might serve as a basement type.
The philosopher, the saint, the artist, neither of them can be this type
;
the order of nature itself makes them exceptional.

Walter Pater[2]

 Au XIXe siècle, l’invisible est transmis à l’œil nu par le progrès scientifique et technique : le microscope et la radiographie produisent le vertige. La croyance en la science et en la raison est accompagnée à la fin du siècle par le scepticisme ; on parle de la crise de la métaphysique européenne comme de la crise de l’homme moderne : la science et la raison lâchent, Dieu est mort. Friedrich Nietzsche a remarquablement diagnostiqué l’art moderne comme l’espace de la sensibilité et de l’irrationalité et son jugement a eu un retentissement aussi chez les artistes tchèques modernes. Nous citons à ce propos le §150 de Humain, trop humain (D’où l’âme vient à l’art) :

L’art lève la tête là où les religions perdent du terrain. II reprend une foule de sentiments et d’états d’âme engendrés par la religion, les choie de tout son cœur et y gagne de nouvelles profondeurs, un surcroît d’âme, qui le rendent capable de communiquer élévation et inspiration, ce qu’il ne savait pas faire auparavant. Devenue fleuve à force de croître, la richesse du sentiment religieux ne cesse plus de déborder et cherche à conquérir de nouveaux royaumes ; seulement, le progrès des lumières a ébranlé les dogmes de la religion et inspiré une méfiance radicale : chassé du domaine religieuse par les lumières, le sentiment se jette alors dans l’art ; dans la vie politique aussi en certains cas, voire directement dans la science. Partout où l’on perçoit dans les aspirations humaines une sombre nuance de tristesse supérieure, il est permis de supposer qu’elles sont restées imprégnées d’horreur spectrale, d’odeur d’encens et d’ombres d’Église.[3]

La critique de la rationalité est accompagnée du désir de sainteté. L’œuvre auratique, selon Walter Benjamin[4], peut libérer de la vie quotidienne et de l’art commercial. Selon la critique moderne, l’art moderne représente l’espace de la liberté et l’espace de la distinction : la distinction des prétendus artistes réalistes, qui voient seulement « le visible » et produisent « les photos idéologiques »[5]. Mais il s’agit de la distinction générale, la différence est la condition du succès, l’homme est le style et il a besoin de stylisation. La prétendue « vue intérieure » représente la capacité du personnage artistique singulier, c’est un attribut du bon artiste. L’expression « vue intérieure » est pourtant polysémique. Nous allons essayer de montrer dans quel contexte cette expression se trouve dans le discours critique et artistique de la littérature tchèque fin-de-siècle. Nous considérerons plus particulièrement l’œuvre des modernistes tchèques F. X. Šalda, Julius Zeyer, František Bílek, Otokar Březina et Miloš Marten.

L’expression « vue intérieure », en tant que terme gnoséologique, a son histoire. On peut distinguer cinq sens cognitifs élémentaires dans la tradition culturelle européenne et dans la perception (naïve) du monde par les sens, à savoir la vue, l’ouïe, le toucher, le goût et l’odorat. Dans la tradition grecque, européenne et chrétienne, la vue est la source principale de la connaissance. En revanche, dans la tradition juive, c’est la perception auditive : la vérité commence par l’audition[6]. Selon la linguiste Irena Vaňková, la métaphore principale pour savoir est voir ; l’étymologie des mots peut aussi confirmer cette proximité : savoir / voir et vědět / vidět dans les langues slaves[7]. La théorie de la métaphore conceptuelle (Lakoff et Johnson) confirme le transport de la structure de la connaissance d’un territoire à l’autre, en vertu d’une analogie. L’expression métaphorique « la vue intérieure » représente le pont à travers des activités intérieures et invisibles et le monde des phénomènes[8].

La « vue intérieure », considérée quelquefois aussi comme le sixième sens, représente toujours la connaissance de façon alternative et supérieure[9]. Cette expression a fait son apparition au XIXe siècle à travers la science, l’art et les religions non-orthodoxes. Par exemple, le physiologiste et philosophe Jan Evangelista Purkyně a utilisé (dans sa thèse en 1818) l’expression « la vue intérieure » pour désigner l’image projetée sur la rétine[10]. Cette expression est apparue en effet à la fin du XIXe siècle dans les « sciences spirituelles » par rapport aux sujets comme l’imagination, le sentiment et les émotions. Dans le milieu tchèque, la revue philosophique Česká mysl (L’esprit tchèque, fondée en 1901) a traité ce sujet[11]. Il nous semble que le terme « la vue intérieure » dans le cadre de la théorie de la connaissance est très proche du terme « intuition »[12]. Les considérations de la connaissance intuitive, sans l’appareil de la terminologie, sans l’analyse logique, sont bien évidemment une attaque forte contre le positivisme et le rationalisme. La doctrine de l’intuition d’Henri Bergson est apparue dans le milieu tchèque avec un grand retard, juste après 1910[13]. Les modernistes tchèques en ont été informés probablement par les journaux étrangers comme la Revue philosophique (Théodule-Armand Ribot), l’Année psychologique (Alfred Binet), le Journal de psychologie (Pierre Janet, Georges Dumas) ou la Revue de Métaphysique et de Morale (Henri Bergson). Il faut aussi ajouter qu’à son époque, il y avait déjà le prétendu anti-intellectualisme et l’irrationalisme « dans l’air »[14].

La querelle de la science et de la mystique dans le champ de la philosophie est apparue aussi dans le champ de la littérature. La critique réaliste a désigné le symbolisme comme trop abstrait et, pour cette raison, comme mystique. Selon l’une des premières réactions au symbolisme dans la revue Čas (Le Temps) en 1891 (l’article « De l’école des symbolistes »)[15] : « Le symbolisme, pour le moins l’échantillon du travail de Šalda, demande au lecteur une érudition presque lexicographique […] »[16]. De plus, cet art ressemble à la disposition surnaturelle consistant à croire au mystère surnaturel dans la vie et dans la nature. L’aspect national est également présent, du moins selon l’article : le symbolisme « contredit absolument le caractère concret slave et tchèque »[17].

Šalda a réagi contre l’interprétation du symbolisme comme mystique dans l’article du programme Syntetismus v novém umění (Le synthétisme dans l’art nouveau) en 1892. La vue intérieure est apparue en rapport avec le procédé de la symbolisation et avec l’idée de la synthèse[18]. Selon Šalda :

L’objectif n’est pas la description, le calcul, la détermination de l’objet, mais le sens caché dans l’objectif, la vision spirituelle de l’objet comme le signe, c’est-à-dire l’objet dans la qualité concrète de sa perception, et dans l’état concret de l’âme. C’est la base de la synthèse dans l’art.[19]

Šalda a formulé son article avec l’ambition de faire un traité scientifique ; les arguments ont été appuyés par les autorités – comme l’artiste Édouard Rod ou Emmanuel Kant avec sa théorie du symbole – avec l’intention d’annuler le reproche de la mystique. Šalda n’a pas mentionné la théorie du génie, mais le symbolisme la présuppose implicite[20]. La « vue intérieure » est devenue ainsi la stylisation du créateur ayant une maîtrise spéciale, un signe distinctif, signifiant que ce créateur est différent des autres artistes et dépasse la vie quotidienne.

Comment les artistes tchèques modernes ont-ils utilisé l’expression « la vue intérieure » ? Julius Zeyer, qui a fait partie des pré-modernistes dans le contexte de la littérature tchèque, a entendu par cette expression l’imagination onirique unique et l’épiphanie. Il est intéressant de citer à ce propos la réflexion théorique de Julius Zeyer :

Quand nous dormons, nous voyons et entendons dans le rêve des personnes qui ne sont pas présentes […]. C’est que nous ne voyons pas que par le nerf optique, nous n’entendons pas que par le nerf auditif. Nous voyons et entendons aussi par l’intermédiaire de notre vue intérieure, de l’imagination, cette grande force mystérieuse et incompréhensible, qu’on qualifie dans les livres magiques de transparence. L’imagination cultivée devient vision, vue absolue, révélation… La vision (la vue) n’est autre que la connaissance graduée, la vue immédiate. La vie est le rêve et le rêve est la vie. Où est la frontière entre la vision et la réalité ? Tout ce qui est grand et saint est construit sur la base des rêves et des visions.[21]

Le poète Otokar Březina est parti de la tradition gnostique du dualisme des deux mondes. Dans l’essai Tajemné v umění (L’énigmatique dans l’art, 1897), le terme « énigmatique » signifie l’expérience du deuxième monde, dont l’âme, emprisonnée dans le corps, se souvient. Le dualisme des mondes demande selon Březina deux façons de voir :

Il y a la vue dans chaque âme, qui voit dedans, qui est orientée vers la nuit invisible, fascinée par un regard, dont dégorgent les lumières de toutes les étoiles passées et futures. […] Tous les arts sont conditionnés par l’expérience de la deuxième vue. La musique parle la langue des symboles dont chaque mot revient de la profondeur, tout comme par les nombreux éthos d’une réponse.[22]

L’expression « la vue intérieure » apparaît aussi dans l’œuvre critique et théorique de Miloš Marten : comme issue de la détresse de la prétendue crise de la langue et de la communication, comme issue de la détresse de l’intellectualisme, et comme signe de l’artiste unique qui dépasse tout ce qui est courant. La première œuvre de Miloš Marten, la prose Mstitel (Le Vengeur, 1900), était basée sur le motif de l’absence du discours, du silence comme l’art de la communication spéciale[23]. On peut interpréter cette prose comme une réflexion remarquable sur la crise de la langue, sur le thème de l’art moderne européen, comparable à l’œuvre d’Hugo von Hofmannsthal par exemple. Le sujet central de l’œuvre est l’impossibilité de la communication. Les personnages communiquent par « le silence communicatif », ce qui signifie « le discours de l’accord difficile à comprendre pour la conscience du jour, et pour lequel la langue des nations n’a pas construit de mots »[24].

Aussi le personnage de la femme (« femme-contagion », « femme-monstre »[25]) est-elle plutôt une vision, qui n’est pas observable à l’œil nu. Le texte décrit la genèse de la vision non pas par la langue mais par le silence et l’empathie. La vision devient réelle et la raison devient ténébreuse :

Quelle était cette suggestion énigmatique, sans moyens visibles, par laquelle il m’a communiqué ses nobles sentiments ? Et quelle autorité m’a montré dans la réalité celle [la femme] que j’ai aperçue avant par la vue intérieure ? Car elle est venue. La personnification de l’objet dont le silence de mon ami a longtemps parlé. Enthousiaste, je me suis agenouillé dans l’esprit devant cet accord noble, prêt à m’exclamer : Créateur ![26]

Marten décrit par le discours du personnage le sujet de la crise de la langue et de la communication. L’imagination, plus puissante, remplace le mot et le discours : « car qu’est-ce que le mot peut faire là où la chaleur vive se transforme en essence ? »[27] De plus, le silence, l’absence de discours, « le discours de l’accord »[28] imaginaire, est comparé à la musique harmonieuse. Le mot et le discours sont représentés comme une disharmonie et un cri fou.

Quand nous lisons le texte de Marten comme un dialogue fragmentaire, le destinataire du discours est toujours mis en doute. Le discours n’est pas prononcé, l’objet du discours imaginaire est la vision, l’abstraction. Le silence, qui s’avance sur un terrain mouvant entre la compréhension absolue et l’aliénation absolue, représente en fin de compte seulement une compensation imparfaite de la communication sensée.

Dans les autres écrits en prose de Marten, on peut également trouver l’idée de la vue intérieure, entendue dans le sens d’Henri Bergson comme le rapport immédiat à la vie, l’intuition. Mais il n’est pas sûr que Marten ait directement lu cette doctrine de Bergson. L’intellectualisme et sa critique sont l’un des sujets principaux de l’œuvre de Marten. Les personnages, « des analystes » de son œuvre, souffrent de la perte du rapport immédiat à la vie ; ils pensent en mots de passe, en exergues, comme par exemple le personnage principal de l’œuvre Dáma se psem (La dame au chien, 1901) ou celui de la prose Mimo dobro a zlo (Par-delà le bien et le mal, 1902, 1907 et 1917). Après tout, il s’agit d’un type d’intellectuel comme par ailleurs aussi chez F. X. Šalda (Analýza) ou Stanisław Przybyszewski (Totenmesse), etc.

Marten a réfléchi sur ce sujet encore une fois dans la parabole Nemocný a vůně (Le malade et l’odeur) dans la revue Květy (Les Fleurs) en 1912 (édition posthume en 1944). Le motif d’un poète voyant et malade est proche du topos du fou, dont le discours représente le dissimulé et en même temps la vérité supérieure[29] :

N’y a-t-il pas des moments dans la vie des poètes et des malades où ils deviennent voyants ? La matière, qui semblait irrémédiablement muette, commencera à parler des centaines de langues portant les salutations des forces inconnues ; des murmures et des odeurs chantent la suavité de la terre ; d’aimables phénomènes immatériels arrivent pour poser de fines mains sur les yeux qui sont en feu.[30]

Le sculpteur symboliste František Bílek a également parlé de la vue intérieure. La source pour la compréhension de l’œuvre de Bílek[31] est sa correspondance avec Julius Zeyer. Le sujet le plus fréquent de cette correspondance était la forme de la sculpture de Jésus Christ et la question de la croyance. Bílek a écrit à Zeyer qu’il ne croyait pas en Dieu, parce qu’il le voyait. Pour Bílek, ainsi que pour les autres auteurs modernes, le sens de l’œuvre et la nécessité d’expliquer des procédés de la création et d’auto-interprétation étaient typiques et fréquents :

Puisque je puise et que je dois puiser tous mes travaux de cette vision […] et puisque le monde et mes amis n’observent pas mes travaux avec les même yeux que moi j’ai utilisé pour leur création, j’ai commencé, dans la langue qui leur est accessible, à écrire « la confession » (confiteor) de notre art […].[32]

L’œuvre de Bílek est la projection d’un mystique et d’un visionnaire et, selon ses mots, son imagination commence par l’épiphanie de Dieu. Bílek se prend pour le messager du divin dans la correspondance maintenue avec Zeyer. La mystique vécue consiste à dépasser par les cinq sens la frontière de la vue sensorielle. L’objectif de Bílek est l’œuvre comme une vocation, l’œuvre avec une empreinte du divin.

Le cas singulier est l’interprétation du sujet des sens spirituels, l’allégorie des sens que Růžena Grebeníčková a considérée comme « l’absurdité pure »[33]. Les sculptures des sens sur-sensoriels sont la représentation figurative très originale de l’invisible. L’œuvre sculpturale Dobyvatelé budoucnosti (Les conquérants du futur) – figures qui représentent les sens sur-sensoriels[34] – est un témoignage de la présence de ce sujet des sens spirituels aussi dans l’œuvre tardive de Bílek qui a créé ses sculptures entre 1931 et 1937.

Selon le critique F. X. Šalda, la littérature comme organisme comprend trois phases : la phase d’épigone, la phase naturaliste et la phase de « stylisation positive ». Šalda a écrit dans l’étude Moderní literatura česká (La littérature tchèque moderne, 1909) que :

Les formes naissent de l’expérience par la création intuitive, par la croissance organique lente : on organise et travaille le sujet par le processus, on ne le verse pas dans les formules toutes faites, obtenues d’ailleurs ou héritées. L’expérience intérieure de la vue spirituelle se met à la place de l’observation ; la bataille pour la croissance intuitive, pour la personnalité de l’auteur et pour la condition de sa durée, bref la bataille pour la loi de l’art se met à la place de la méthode descriptive.[35]

Šalda a utilisé cet attribut de « la vue intérieure » pour formuler sa conception de l’artiste, qui est ainsi nommé le personnalisme. Au sommet de son échelle se situe la personnalité du créateur unique et individualiste comme représentation unique des questions communes, supra-individuelles, des questions de la nation.

Nous avons essayé de montrer, en présentant les exemples de l’expression « la vue intérieure », la voie de l’art moderne au début du XXe siècle comme un art ayant le désir de l’autre, de l’exceptionnel, de l’extraordinaire. Le sujet de la vue intérieure a conduit, chez tous les artistes et critiques dont nous avons parlé, aux conceptions diverses de l’attribut du personnage unique doué d’une imagination unique : le processus de symbolisation et la disposition du personnage créatif chez Šalda, ensuite l’imagination magique qui permet de substituer la réalité par le rêve chez Zeyer, le vécu sensoriel mystique chez Bílek et Březina, l’imagination hallucinatoire qui remplace la communication chez Marten. L’expression « la vue intérieure » était proche de la façon de voir le monde immédiat – la doctrine de l’intuition, la prétendue Lebensphilosophie ou le vitalisme. L’exemple de l’œuvre de Miloš Marten témoigne d’une certaine querelle intérieure de l’art moderne : on peut comprendre la vue intérieure, qui a indiqué à l’origine les faits contraires du point de vue sémantique de la pensée conceptuelle, discursive, comme le vécu intérieur, la pensée intuitive, le geste immédiat. Or, une telle approche faisait tout de même partie du plan rationnel.

 

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Jana Kantoříková
Université Charles de Prague
Nám. Jana Palacha 2, 116 38 Praha 1

Université de Ratisbonne
Universitätstrasse 31, 930 53 Regensburg
jana.kantorikova@email.cz


 

[1])  BŘEZINA, O. : Přítomnost. In : Eseje. Olomouc : Votobia, 1996, p. 86. « C’est à cause de l’illusion d’optique spirituelle que la magnificence de la présence nous échappe. » (notre traduction).
[2])  PATER, W. : Diaphanéité. In : Miscellaneous studies. A series of essays. London : Macmillan and co. Limited, St. Martin’s Street, 1910, p. 254. « Le gens ont souvent essayé de trouver le type de vie qui pourrait servir de base. Le philosophe, le saint, l’artiste, aucun d’entre eux ne peut être ce type ; l’ordre même de la nature les rend exceptionnels. » (notre traduction).
[3])  NIETZSCHE, F. : Humain, trop humain. Un livre pour esprits libres I. Paris : Gallimard, 1988, pp. 135-136.
[4])  Cf. BENJAMIN, W. : Das Kunstwerk im Zeitalter seiner technischen Reproduzierbarkeit. In : Gesammelte Schriften. Frankfurt am Main : Suhrkamp, 1972-1999.
[5])  Cf. par exemple l’article de Miloš MARTEN : Kriterion života. In : Moderní revue, 1903, année XIV, pp. 3-13 ; dans le sens proche de ŠALDA, F. X. : Syntetismus v novém umění. In : PISTORIUS, J. (éd.) : Kritické projevy I. Praha : Melantrich, 1949, pp. 11-54 ; ou de PROCHÁZKA, A. : K poslední fasi české poesie. In : NEUMANN, S. K. (éd.) : Almanach secese, 1896, pp. 69-79.
[6])  Cf. VAŇKOVÁ, I. : Co na srdci, to na jazyku. Kapitoly z kognitivní lingvistiky. Praha : Karolinum, 2005.
[7])  Ibid., p. 131.
[8])  Cf. Irena VAŇKOVÁ, inspirée par Hannah Arendt : « Metafory jako produkty analogického myšlení vystihují podobnost vztahu mezi nepodobnými věcmi, a umožňují tak vyjádřit to, co je jinak nevyslovitelné. Jinými slovy, překlenují propast mezi činností ducha, která není zjevná, a světem jevů, sjednocují myšlení a smyslovou zkušenost. » VAŇKOVÁ, I. : Op. cit., p. 98. « Les métaphores comme produits de la pensée analogique saisissent la ressemblance de la relation entre les choses qui ne se ressemblent pas et permettent ainsi d’exprimer ce qui autrement est inexprimable. Autrement dit, elles surmontent l’abîme entre l’activité de l’esprit, qui n’est pas évidente, et le monde des phénomènes ; elles unifient la pensée et l’expérience sensorielle. » (notre traduction).
[9])  Dans l’histoire, on peut trouver des classifications bien différentes : Hugo de Saint-Victor, de l’école augustinienne mystique, distingue par exemple la connaissance par l’œil extérieur (cogitatio), à savoir la concentration sur les objets sensoriels, de la connaissance par l’œil intérieur (mediatio) dans la pensée conceptuelle, discursive, ainsi que de la connaissance par l’œil spirituel (contemplatio) dans la vision directe de Dieu. Cf. Nuska, B. : K terminologické delimitaci pojmu intuice. In : Intuice ve vědě a filosofii. Praha : Filosofický ústav AV ČR, 1993, pp. 172-195.
[10])  Cf. HUBATOVÁ-VACKOVÁ, L. : Vnitřní zrak. Jan Evangelista Purkyně, laboratoř vizuality a moderní umění. Disponible en ligne : http://www.cts.cuni.cz/soubory/reporty/CTS-05-05.pdf [consulté le 05/02/2015].
[11])  Par exemple KRAMÁŘ, O. : O citech a obrazotvornosti a vzájemném jejich poměru. In : Česká mysl, 1901, pp. 13-20, 81-93, 169-180, 251-265, 328-344, 409-428.
[12])  Selon Bohumil Nuska, on peut définir l’intuition comme « la vue simple, comme si le glissement avec les yeux sur le phénomène, la reconnaissance du phénomène, de l’air, se transformaient au regard à l’intérieur, la compréhension ou l’opinion, la vision, qui atteint les rapports intérieurs, cachés, indistincts […] » NUSKA, B. : Art. cit., p. 172 (notre traduction).
[13])  Selon l’article de Rudolf Malý, en Allemagne c’était plus tôt grâce au philosophe Hans Drietsch. Cf. MALÝ, R. : O Bergsonově pojetí vývoje. In : Česká mysl, 1912, année XIV, n°4, pp. 25-47. Les premières traductions tchèques d’Henri BERGSON : Le rire, traduit par Jan Bartoš sous le titre de Komika charakteru. Praha : Knihovna Rozhledů, 1916 ; Évolution créatice, traduit par Ferdinand Pelikán et František Žákavec sous le titre de Vývoj tvořivý. Praha : Jan Laichter, 1919.
[14])  Cf. le rapport de Dominique PARODI : La philosophie contemporaine en France. Essai de classification des doctrines. Paris : Alcan, 1919. Parodi caractérise la période de trente ans qui précède la première guerre mondiale comme antirationaliste et anti-intellectualiste. Il serait nécessaire de comparer le terme « intuition » de Bergson au principe de Nietzsche d’état quasi-mystique lors de l’extase artistique.
[15])  Le philosophe positiviste František Krejčí s’exprimait dans la revue proche Česká mysl. Krejčí a défini l’objectif de l’art comme la délivrance de l’humanité de l’humeur mystique et il a relié l’art nouveau et le symbolisme avec la mystique nocive. Cf. KREJČÍ, F. : Volné listy o nynější filosofii. Mysticism I., Mysticism II. – Bedřich Nietzsche. In : Česká mysl, 1901, 1ère année, n°1, pp. 349-360, 401-416.
[16])  « Symbolism, alespoň ukázka práce Šaldovy, žádá po čtenáři učenosti přímo slovníkářské […] ». In : Čas, 1891, p. 764 (notre traduction). L’auteur était probablement le rédacteur Jan Herben.
[17])  « […] naprosto pak odporuje konkretné slovanské a české povaze. » In : Čas, 1891, p. 764 (notre traduction).
[18])  Sur le sujet de la mise à exécution du symbolisme dans le milieu tchèque, voir MÁCHAL, J. : Boje o nové směry v české literatuře. Praha : Jednota českých filologů, 1926 ; MERHAUT, L.: Hledání nové syntézy : Koncepční výkony českého literárního symbolismu. In : MALINI, M. (éd.) : Symbolismus v kontextoch a súvislostiach. Bratislava : Ústav svetovej literatúry SAV, 1999, pp. 210-216 ; VOJTĚCH, D. : Vášeň a ideál. Na křižovatkách moderny. Praha : Academia, 2008.
[19])  ŠALDA, F. X. : Syntetismus v novém umění. Art. cit., p. 26. « Cílem však není popis, výpočet, slovem determinace předmětu, nýbrž smysl v něm utajený, význam jeho, duševní nazírání předmětu jako znaku, tj. předmět jen potud, pokud se v percepci jeho objevuje ta a ta vlastnost, ten a ten stav duše. V tom podán již v podstatě základ syntesy v umění […] » (notre traduction).
[20])  Hannah Arendt a très bien décrit la capacité qui est la base de l’art : « Tout acte mental repose sur la faculté qu’a l’esprit d’avoir en sa présence ce qui est absent pour les sens. Re-présenter, rendre présent ce qui est absent en réalité, voilà le talent incomparable de l’esprit et, comme toute la terminologie des choses mentales s’appuie sur des métaphores tirées de l’expérience visuelle, on l »appelle imagination […] ». ARENDT, H. : La vie de l’esprit. 1. La pensée. Traduction de Luciene Lotringer. Paris : PUF, 1981, pp. 92-93. Arendt se réfère à l’imagination définie par Kant dans L’Anthropologie du point de vue pragmatique (1798).
[21])  « Když spíme, vidíme ve snu též osoby, které nejsou přítomny, a slyšíme je […] Nevidíme tedy pouze nervem optickým, neslyšíme jen nervem sluchovým. Vidíme a slyšíme též vnitřním svým zřením, prostředkem obraznosti, té velké tajemné síly, nepochopitelné, kterouž v magických knihách nazývají průhledností. Obraznost, pěstována jsouc, stává se viděním, naprostým zřením, zjevováním… Vize (vidění) jest jen stupňované poznání, bezprostřední nazírání. Život je snem a sen je životem. Kde je hranice mezi vidinou a skutečností? Na základě snů a vidin je vše zbudováno, co veliké a svaté. » (notre traduction). Cité par MÁCHAL, J. : Op. cit., p. 59.
[22])  « V každé duši je zrak, který se dívá dovnitř, obrácen k neviditelné noci, fascinován jediným pohledem, z něhož se lijí světla všech minulých i budoucích hvězd. […] Všechna umění podmíněna jsou zkušenostmi druhého zraku. Řečí symbolů, jejíž každé slovo vrací se z hlubin, sterým echem jediné odpovědi, hovoří hudba. » BŘEZINA, O. : Op. cit., p. 8.
[23])  Sur le sujet du silence dans l’œuvre littéraire, voir VAŇKOVÁ, I. : Mlčení a komunikace. In : Slovo a slovesnost, 1996, n°57, pp. 91-101.
[24])  « Řeč souzvuků těžce pochopitelná co dennímu vědomí, a pro niž tudíž jazyk národů nestvořil slov. » (notre traduction). MARTEN, M. : Mstitel. In : Moderní revue, 1900, année XI, p. 349.
[25])  Ibid., p. 320.
[26])  « Jaká byla to tajemná sugesce, bez viditelných prostředků, jíž sdílel mně svoje vznešené city? A jaká konečně vyšší moc ukázala mi ve skutečnosti tu, jíž jsem zřel dřív duševním zrakem? Neboť ona přišla. Ztělesnění toho, co po hodiny mluvilo mi mlčení přítelovo. Nadšen poklekal jsem v duchu před vznešeným souzvukem, hotov vskřiknouti: Stvořiteli! » (notre traduction). Ibid., p. 318.
[27])  « neboť co může slovo, kde žíří vše a podstata se mění? » (notre traduction). Ibid., p. 318.
[28])  « řeč souzvuků » (notre traduction). Ibid., p. 349.
[29])  Cf. FOUCAULT, M. : L’ordre du discours. Paris : Gallimard, 1971.
[30])  « Nejsou-li v životě básníkův a nemocných chvíle, kdy se stávají vidoucími ? Hmota, která se zdála nepřípustně němou, rozhovoří se sty jazyků, nesoucích pozdravy neznámých sil, šumoty a vůně zpívají o sladkosti země, nehmotné laskavé zjevy přicházejí, aby položily jemné ruce na oči, jež hoří. » (notre traduction). MARTEN, M. : Pohádky a podobenství. Praha : Erna Janská, 1944, p. 43.
[31])  Cf. FILIP, A. et al. : František Bílek: (1872–1941). Praque : City Gallery Prague, 2000.
[32])  « Protože já z vidění toho všecky mé práce béřu a musím brát […] a protože svět a přátelé moji těma očima na mé práce nehledí, jakými já je dělal, proto jsem pro pochopení mých prací jim přístupnou řečí slovem a písmem počal « vyznání » (confiteor) našeho umění a « zadostiučinění » jeho psát […] » (notre traduction). ZEYER, J.: Básník a sochař. Dopisy Julia Zeyera a Františka Bílka z let 18961901. Praha : Za svobodu, 1948, p. 95.
[33])  GREBENÍČKOVÁ, R. : Tělo a tělesnost v novověkém myšlení. Praha : Prostor, 1997, p. 48.
[34])  Cf. VOJVODÍK, J. : Imagines corporis. Tělo v české moderně a avantgardě. Brno : Host, 2006.
[35])  « Z empirie vznikají formy intuitivnou tvorbou, pomalým organickým růstem: látka utřiďuje a hodnotí se vnitřním procesem, nelije se do formulí hotových a odjinud získaných nebo poděděných. Za pozorování nastupuje vnitřní zkušenost duševního zraku, za metodu popisnou dramatický boj o růst vnitřní, o autorovu obnost a podmínku jejího přetrvání: o umělecký zákon. » (notre traduction). ŠALDA, F. X. : Moderní literatura česká. Praha : Grossman a Svoboda, 1909, p. 41.